Cryptomonnaie en concession automobile : premier bilan

En début d’année, trois groupes de concessionnaires du Québec (HGrégoire, BMW MINI Laval ainsi que Groupe JD) ont annoncé qu’ils acceptaient la cryptomonnaie comme type de paiement. Ce trio faisait figure de pionniers au Québec, voire au pays. Lançaient-ils une tendance pour laquelle toute l’industrie automobile devait se mettre au diapason ? AutoMédia fait le point.

D’abord, allons-y avec une précision. En juin, ils n’étaient plus que deux groupes sur trois à dire « oui » aux paiements cryptés. Le Groupe JD, de la région de Québec, a fait un pas en arrière. « Après quelques semaines, nous avons décidé de revenir sur notre décision. De toute façon, il n’y a eu aucune transaction et très peu d’intérêt de la part de nos clients », signale Michaël Giguère, directeur général des ventes chez JD Mitsubishi Boischatel. 

En fait, le Groupe JD a sans doute cru bon se dissocier de son partenaire, la société lavalloise Marsan Exchange, qui avait été mandaté pour gérer les transactions cryptées. Rappelons que cette maison de change a fait les manchettes en avril. Après avoir lancé sa propre cryptomonnaie (MRS Token) le 1er mars dernier à 6 cents, Marsan Exchange a vu son jeton atteindre 5,22 $ le 18 avril pour ensuite le voir plonger, deux jours plus tard, sous les 10 cents.

Remarquez, même la plus populaire des cryptomonnaies, le bitcoin, affiche elle aussi un parcours en dents de scie. L’unité, mise en circulation en 2009 à 0 cent, n’a franchi pour la première fois la barre des 1 $ qu’en 2011. En juin 2020, il fallait payer 9400 $ pour se procurer une unité. Le même bitcoin a fracassé les 63 000 $ US (soit l’équivalent de 77 000 $ canadiens) le 15 avril dernier. Au moment d’écrire ces lignes à la mi-juin, le bitcoin valait moins de 38 000 $ US. 

 

Comprendre la cryptomonnaie

Mais qu’est-ce au juste, la cryptomonnaie ? Pourquoi cet engouement ? « Il s’agit d’un mode de paiement qui repose sur la technologie blockchain », explique Louis Roy, associé chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT). M. Roy est également leader de l’initiative blockchain Catallaxy, filiale de RCGT lancée en juillet 2017.

Cette technologie, dit-il, est un registre décentralisé, immuable et sécuritaire qui permet d’identifier qui est le propriétaire d’un élément digital. « Dans le cas de la monnaie virtuelle, la blockchain permet un transfert de fonds sécuritaire et transparent sans avoir à passer par une institution financière. »

La monnaie cryptée, poursuit-il, suscite un intérêt particulièrement auprès des jeunes investisseurs, qui comptent parmi eux des amateurs de voitures de luxe. Ce qui explique selon lui l’introduction de ce mode de paiement au sein de certaines concessions automobiles. Rappelons qu’au plus haut de la valeur du bitcoin en avril dernier, deux unités suffisaient amplement pour acheter un véhicule haut de gamme. 

John Hairabedian, président de HGrégoire, peut justement en témoigner. Depuis que son entreprise a introduit la cryptomonnaie ce printemps, le groupe a enregistré une quinzaine de transactions au Québec, et une vingtaine dans ses concessions américaines en Floride et en Californie. « Et ce sont principalement des jeunes qui utilisent ce type de monnaie », confirme le concessionnaire.

Il cite l’exemple d’un client âgé de 19 ans qui s’est récemment présenté en compagnie de sa mère dans une des concessions du groupe en Floride. « Il est venu pour faire l’acquisition d’une BMW M8, un véhicule d’une valeur de 150 000 $ US. L’acheteur a effectué la transaction avec 2,7 bitcoins. Des bitcoins, nous a-t-il expliqué, qu’il a payés à peine 50 $ avec de l’argent reçu lors de son anniversaire il y a neuf ans », raconte, estomaqué, John Hairabedian.

Afin de superviser les transactions, le Groupe HGrégoire s’est associé, précise-t-il, à BitPay, un fournisseur de services de paiement Bitcoin, dont le siège est à Atlanta, en Géorgie, aux États-Unis. Une entreprise, souligne le président Hairabedian, qui a une bonne réputation. « Ce fournisseur nous garantit le montant de la transaction, qu’elle soit effectuée en argent canadien ou américain », soulève-t-il. Sans dire combien, le concessionnaire avoue même conserver une petite partie des bitcoins pour investissement.

Bitcoin, gain et le fisc

À ce propos, Louis Roy, de RCGT, tient à rappeler que la cryptomonnaie demeure un actif. « L’utilisateur qui achète un bien, tout comme le concessionnaire qui souhaite conserver quelques bitcoins à la suite de la transaction, doit tenir compte du gain ou de la perte en capital, engendré à l’aide de la monnaie cryptée. Autrement dit, ce gain ou cette perte doit figurer lors de la prochaine déclaration d’impôts », fait savoir le comptable agréé. Un exemple ? Si deux bitcoins, acquis à 7400 $ US chacun au printemps 2020 (soit une valeur de 14 800 $ US), permettent aujourd’hui à son détenteur de se procurer un véhicule de 75 000 $ US, ce dernier doit déclarer un gain d’au moins 60 000 $ au fisc lors de sa prochaine déclaration.

Louis Roy se questionne néanmoins sur l’utilisation de la cryptomonnaie dans les endroits où la monnaie traditionnelle est relativement stable. « La cryptomonnaie est un mode de paiement, insiste-t-il, qui demeure extrêmement volatile. Est-ce logique d’utiliser un tel paiement dans les commerces, quels qu’ils soient ? Dans certains pays où l’inflation est très élevée peut-être. En Amérique du Nord, j’en doute. »

N’empêche que la formule fonctionne. Le président du groupe HGrégoire nous a d’ailleurs confié être très surpris que la monnaie cryptée ait jusqu’à présent suscité autant de transactions au sein de ses concessions. « En fait, conclut-il, je réalise que notre groupe aurait sans doute échappé cette belle clientèle qui nous a expressément choisis en raison de notre ouverture envers les cryptomonnaies. »

 

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C’est le nombre de cryptomonnaies qui, selon la firme CoinMarketCap, existe dans le monde en date du 11 juin dernier. Le Bitcoin et l’Ethereum demeurent les deux unités qui présentent les deux plus fortes capitalisations de marché.

 

 

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