Magasiner sa voiture sur le Web

Ventes de véhicules en ligne: le début d’une nouvelle époque

Indéniablement, la vente automobile en ligne est le sujet de l’heure. Entre la pandémie, l’arrivée de nouveaux outils technologiques et une génération de consommateurs aux habitudes bien différentes de celles de leurs parents, tous les astres sont alignés pour qu’au cours des prochaines années, les ventes automobiles à partir du Web deviennent la norme chez les concessionnaires de véhicules neufs et les marchands de véhicules d’occasion du Québec. Sauf que dans les faits, nous sommes encore loin d’une adoption généralisée du processus… 

 

Portrait de la situation au Québec

Actuellement, seule une infime partie des concessionnaires du Québec proposent un service de vente en ligne. Louis-Martin Racicot, propriétaire de Chambly Honda et de Haut-Richelieu Volkswagen, est l’un des premiers à avoir sauté à pieds joints dans l’aventure. Celui qui avoue être relativement nouveau dans l’industrie de l’automobile a implanté, en 2018, le système Showroom 360-V2, alors nouvellement fourni par Solutions Médias 360 (360.Agency) :

« Nous avons été parmi les premiers concessionnaires au pays à offrir la vente en ligne, soutient M. Racicot. Je savais que le projet était avant-gardiste et je n’avais aucune attente face aux résultats. Mais je savais aussi très bien que c’était là que les choses s’en allaient et je préférais être en avant de la parade plutôt que de simplement la suivre. Et maintenant que nous sommes plusieurs (concessions) à offrir le service, je suis passé de bibitte rare à… ‟ah ben, il n’était pas si fou que ça finalement” ! » 

Chez 360.Agency, le président Louis-Yves Cloutier a confié à AutoMédia que sur le millier de concessionnaires qu’il sert à travers le Canada, environ 70 utilisent l’outil de vente en ligne Showroom 360-V2 – et qu’autant de clients sont en attente de faire installer le système. « Actuellement, les concessionnaires ont un pied sur le gaz et un pied sur le frein, nous dit l’entrepreneur. D’un côté, ils veulent avancer et se moderniser sur le plan de la transformation numérique, mais de l’autre, ils sont à court d’inventaire et souhaitent donc rester prudents. »

Chez Trader, autre important joueur dans cette aventure numérique, Luc Morin, vice-président Ventes et Expérience client pour le Québec, rapporte que depuis le lancement de sa solution de Vente au détail numérique, sur autoHEBDO.net en avril dernier, la réponse du marché québécois est excellente. « Chaque semaine, nous ajoutons de nouveaux concessionnaires québécois à notre portfolio, indique M. Morin. Nous avons également investi dans la mise sur pied d’une équipe locale dédiée à la solution de détail numérique pour les ventes, le service et l’intégration pour les résidents du Québec, dans le but de soutenir nos concessionnaires québécois. » 

Chez NERD Auto, l’effet panique qu’on a connu au début de la pandémie semble s’être dissipé. « Pendant le shutdown du printemps, les concessionnaires nous en ont parlé, de la vente en ligne, mais aussitôt que les choses se sont remises à rouler, le sujet est disparu des conversations, confie d’emblée le président-fondateur Louis-Philippe Villeneuve. Cela dit, de tous nos clients, le Groupe l’Ami Junior est de loin le plus proactif sur le sujet : il a lancé un programme très complet de vente en ligne qui va jusqu’à proposer des essais routiers sans aucun contact. Le client se présente en concession, il balaie son téléphone intelligent sur la boîte à clés et le véhicule est à lui pour une heure. » 

Pour tout dire, l’implantation de cette nouvelle façon de vendre semble s’installer chez les groupes de concessions. Entre autres, le patron de 360.Agency a assuré qu’il était prêt à lancer son nouvel arsenal d’outils de vente en ligne pour l’ensemble pancanadien des concessions du groupe Dilawri.

Le phénomène ne touche pas que les concessionnaires de véhicules neufs; Sébastien Bisaillon, président d’Automobile En Direct.com, confirme que son équipe planche elle aussi sur un programme de vente en ligne qui sera déployé sous peu. 

Les constructeurs eux-mêmes sont en train d’emboîter le pas. Un exemple ? Volkswagen a lancé un programme de vente en ligne… en Australie. L’approche semble fonctionner; actuellement, 15 % des ventes du constructeur passent par le Web. 

Qu’en pense Volkswagen Canada ? Dans une récente entrevue avec notre collaborateur Luc Gagné, le porte-parole Thomas Tetzlaff a déclaré ceci : « Nous n’avons présentement rien de similaire, mais notre équipe est en communication avec nos confrères australiens pour en apprendre davantage sur cette nouvelle expérience. Les besoins des clients changent, particulièrement dans les conditions actuelles. Nous devons donc nous adapter afin de continuer de les satisfaire. » 

Plus près de nous, n’oublions pas que Hyundai Canada possède déjà une longueur d’avance avec Genesis : depuis ses débuts il y a quatre ans, la division de luxe du constructeur coréen utilise exclusivement la plateforme de vente en ligne de Moto Insight. Quelques concessions, dont Steele Hyundai Halifax, sont déjà en train de tester la nouvelle plateforme de vente en ligne Shop at Home – pour Hyundai Online Market Experience.

« Lorsqu’on donne le choix entre prendre un rendez-vous avec un client en concession ou effectuer une transaction dans son site Web, la majorité des concessionnaires optent encore pour la rencontre physique. » – Louis-Yves Cloutier

Avant tout : des mentalités à changer… en concession

Si la vente en ligne est en train de faire sa place, elle le fait lentement. Très lentement. Pour Louis-Yves Cloutier, le problème en est un, avant tout, de mentalité : « Les concessionnaires n’ont pas encore embrassé le concept de pousser leurs clients à entreprendre la transaction en ligne. »

« D’ailleurs, révèle le président de 360.Agency, lorsqu’on donne le choix entre prendre un rendez-vous avec un client en concession ou effectuer une transaction dans son site Web, la majorité des concessionnaires optent pour la rencontre physique. Pourtant, un rendez-vous en personne ne garantit rien. Entre l’assignation au téléphone et le rendez-vous lui-même, plein de choses peuvent se passer; le client peut changer d’idée, il peut aller voir la concurrence, il peut ne pas se présenter… » 

« C’est dire que des changements de culture et organisationnels doivent avoir lieu avant que la vente en ligne ne soit vraiment embrassée par les concessionnaires, poursuit M. Cloutier. Les concessionnaires savent que c’est à leurs portes, ils savent qu’ils n’auront probablement pas le choix d’emboîter le pas, mais ils demeurent sceptiques parce qu’ils ne sont pas capables de s’engager à faire un changement de culture organisationnel. » 

Louis-Philippe Villeneuve de NERD Auto tient un discours similaire, ajoutant un conseil au passage : « Si un client débute sa demande en ligne et pose des questions, n’essayez surtout pas de lui répondre qu’il doit venir en concession pour obtenir des réponses. L’agent de BDC doit pouvoir le renseigner. Le processus de ventes est connu et réglé au quart de tour pour les walk-ins en concession, il faut maintenant élaborer plusieurs processus en fonction des types de demandes en ligne. Au final, l’acheteur numérique doit sentir qu’il est en contrôle et qu’on le guide vers la destination (la transaction) quel que soit le chemin qu’il décide d’emprunter.  » 

Justement : lors de sa participation au Podcast DealerTalk présenté par Herb Anderson, le copropriétaire de Rimrock Auto Group, Steve Zabawa, également fondateur de l’importante plateforme de vente en ligne américaine WebBuy, n’a pas mâché ses mots : « Les concessionnaires sont des control freaks ! Ils veulent recevoir le client à la concession et contrôler le processus, dont le prix. Mais avec le Web, il faut être transparent. Il faut être capable de faire confiance au client et il faut que le client te fasse confiance. Et ça prend l’approche “du meilleur prix”. Bref, c’est un changement de culture du haut jusqu’en bas. » 

« La vieille mentalité de vouloir négocier le prix est un gros frein à la vente en ligne.» – Louis-Martin Racicot

Louis-Martin Racicot, de Chambly Honda, abonde dans le même sens : « La vieille mentalité de vouloir négocier le prix est un gros frein à la vente en ligne. Certes, les nouvelles technologies permettent de négocier le prix directement au cœur d’une transaction numérique, mais pour réellement rendre la vente en ligne facile et efficace, le concept du prix unique serait la bonne chose à faire. » D’ailleurs, Sébastien Bisaillon, d’Automobile En Direct.com, soutient que le prix unique a toujours fait partie de sa culture d’entreprise : « Le prix affiché est le prix final et c’est ça qui fait le succès de la compagnie », nous a-t-il confié.

Évidemment, rappelle le président de NERD Auto, tous les concessionnaires ne voient pas la chose du même œil : « Il manque encore beaucoup de transparence, surtout du côté des véhicules d’occasion. Les stratégies de prix varient énormément d’un endroit à l’autre, les imperfections sur les voitures sont souvent dissimulées plutôt qu’exposées dans les photos. Votre voiture est 2 000 $ moins chère que toutes les unités comparables sur le marché? Génial, mais dites pourquoi! »

 

« Lorsqu’ils ont été consultés en prévision du transfert, en 2015, de la responsabilité des permis de commerçants de véhicules routiers de la SAAQ vers l’OPC, précise M. Tanguay, les représentants automobiles ont dit vouloir maintenir cette obligation de vendre dans l’établissement. » Charles Tanguay, porte-parole de l’OPC

La loi, c’est (toujours) la loi

Le principal obstacle à l’expérience numérique complète au Québec réside évidemment dans la loi provinciale, qui ne permet pas (encore) d’acheter un véhicule 100 % en ligne. En dépit de la situation sanitaire qui domine depuis le début de l’année 2020, la Loi sur la protection du consommateur est – et demeure la suivante : le client doit signer le contrat chez le concessionnaire, que ce soit pour un véhicule neuf ou un véhicule d’occasion.

Interrogé sur le sujet tout juste avant d’envoyer AutoMédia sous presse, Charles Tanguay, porte-parole de l’OPC, a confirmé que la loi n’a toujours pas été modifiée. « Lorsqu’ils ont été consultés en prévision du transfert, en 2015, de la responsabilité des permis de commerçants de véhicules routiers de la SAAQ vers l’OPC, précise M. Tanguay, les représentants automobiles ont dit vouloir maintenir cette obligation de vendre dans l’établissement. Modifier cette obligation exige un amendement à la loi, ce qui pourrait être envisagé par le gouvernement si les commerçants en faisaient la requête et dans la mesure où ce changement ne pose pas de nouveaux risques pour les consommateurs. » 

Entre-temps, M. Tanguay confirme « que l’Office a indiqué aux représentants de l’industrie qu’il tiendrait compte de la crise actuelle et des directives sanitaires du gouvernement dans l’exercice de sa surveillance ».

« Toutefois, il faut savoir qu’un consommateur, qui pour une raison ou une autre s’estimerait lésé à la suite d’une transaction n’ayant pas été conclue à l’intérieur du commerce, pourrait évoquer ce fait dans le cadre d’un recours à l’encontre du concessionnaire en cause », rappelle-t-il. 

Bidirectionnel et omnicanal 

Quoique le holy grail de la vente en ligne demeure le jour où le consommateur va pouvoir tout simplement déposer sa voiture dans son panier virtuel et recevoir le produit 24 heures plus tard à la Amazon, il n’en demeure pas moins qu’en réalité, ‘vendre en ligne’ veut surtout dire que le client est capable de débuter ou poursuivre une transaction à partir de ses appareils numérique, de façon parfaitement naturel, intuitive, sans blocages, ni complications. 

À cet égard, les fournisseurs de solutions numériques sont prêts. Ainsi, chez Trader : « Notre programme est spécialement conçu pour faciliter la prise en charge du processus de vente en ligne et de continuer la transaction en magasin, dit Luc Morin. Il est tout aussi efficace à l’inverse, c’est-à-dire pour démarrer le processus en concession et le terminer en ligne. »

Ce type d’expérience bidirectionnelle est également au cœur de l’outil Desking360 de 360.Agency, un programme qui permet au représentant de la concession d’ajouter des produits, négocier le prix de la transaction, offrir un rabais, ajouter de nouveaux véhicules en inventaire, etc. « Tout ce que le concessionnaire fera dans sur le dossier client va se refléter en ligne, dit Louis-Yves Cloutier. Le client peut donc commencer la transaction, le vendeur peut la poursuivre et le tout va continuer de vivre en ligne jusqu’à ce que le consommateur soit prêt à finaliser. »

Le virage numérique et le magasinage à distance imposent un éventail d’outils de communications et plus que jamais, Louis-Philippe Villeneuve estime que les concessionnaires doivent adapter leurs tactiques en conséquence : « se limiter à une combinaison téléphone et courriel, c’est laisser plusieurs opportunités sur la table. Parlons aux acheteurs sur les canaux qu’ils utilisent chaque jour! Textos, Messenger, appels vidéo… Les outils existent, souvent sans frais additionnels… profitons-en!  » 

 

Dans combien de temps 

Comme Steve Zabawa l’a si bien dit lors de son entrevue avec Dewaler Talk: il y a 50 ans, il n’y avait pas de bureau F&A. Ça a pris un bon 10 – 15 ans avant que les bureaux de F&A s’organise, qu’il vendent les bons produits et qu’ils forment tout le personnel. On ne doit pas s’attendre à ce que la vente en ligne arrivé du jour au lendemain. Ça va prendre un bon 5 – 7 – 10 ans avant que les ventes en ligne deviennent vraiment la norme et qu’un bon 80% des transactions soient alors faite ainsi. 

Chose certaine, ce n’est pas une question de SI, mais une question de QUAND. 

 

Partagez l'article

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest
Retour en haut