Tout ce qu’il faut savoir sur la première loi anti-citron au Canada ainsi que les autres dispositions «automobiles» visant la protection des consommateurs

À moins de vivre sous une roche, vous savez que le gouvernement du Québec vient d’adopter la toute première loi anti-citron au Canada – et quelques autres dispositions «automobiles» visant la protection des consommateurs. Voyons ensemble de quoi il en retourne.

 

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Le lundi 3 octobre, les élus de l’Assemblée nationale du Québec ont voté un train de mesures qui, elles, font suite au projet de loi 29 déposé en juin dernier par le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette. 

Bref, c’est l’aboutissement du projet de loi 29 sur l’obsolescence programmée. Plus précisément, du projet de Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens

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Et c’est maintenant officiel: depuis le 5 octobre (2023), Québec interdit désormais la vente des biens à la péremption programmée. De lourdes amendes attendent les contrevenants – jusqu’à 5% des revenus mondiaux d’une entreprise. 

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Définition «Obsolescence programmée»: Se dit d’une stratégie de conception et de production qui consiste à limiter ou à réduire la durée de vie utile d’un bien afin d’en augmenter le taux de remplacement.

Office québécois de la langue française https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/8887467/obsolescence-programmee

 

Projet de loi 29 adopté à l’unanimité

Dans les anales parlementaires, on se souviendra sûrement que ce projet de loi 29 a non seulement été adopté à l’unanimité, mais qu’il l’a été très rapidement; il a suffi d’à peine quatre mois – voire deux mois, si l’on retranche la période estivale – pour faire consensus au sein des élus.

Parmi les mesures qui sont – ou sont sur le point d’entrer en vigueur afin de (mieux) protéger les consommateurs québécois, se trouve la nouvelle disposition contre les Véhicules Gravement Défectueux. Essentiellement, il s’agit de la toute première loi anti-citron à être adoptée au Canada. Mais au-delà de cette mesure-phare, d’autres dispositions «automobiles» vont venir s’ajouter au fil des trois prochaines années: 

  • Une reclassification des véhicules d’occasion, de sorte que la garantie légale de bon fonctionnement couvrira plus d’autos usagées vendues par les marchands (entrée en vigueur: 5 Avril 2024);
  • Les concessionnaires devront offrir une inspection gratuite aux locataires de véhicules avant qu’ils n’en remettent les clés en fin de bail (entrée en vigueur: 5 avril 2024); 
  • Le Droit à la réparabilité s’appliquera aux automobiles à compter du 5 octobre 2025 (soit dans deux ans), mais une exclusion à été prévue quant à la gratuité des données.

Lors des consultations publiques tenues par Québec en septembre, la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ), l’Association des industries de l’automobile du Canada (AIA Canada) et l’Association pour la protection des automobilistes (APA) ont pu y faire des représentations. Vous pouvez écouter leur témoignage ici. 

https://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/archives-parlementaires/travaux-commissions/AudioVideo-100583.html

Mais les Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada et l’Association des marchands de véhicules d’occasion du Québec (AMVOQ) n’ont pu que déposer un mémoire, ce que les deux derniers organismes disent regretter. Vous pouvez consulter leurs positions ici.

https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CET/mandats/Mandat-49653/memoires-deposes.html

 

La première loi anti-citron au Canada, la mesure-phare du projet de loi 29

D’abord, mettons quelque chose au clair: la Loi québécoise anti-citron n’en est pas une réellement. Il s’agit plutôt d’une nouvelle disposition dans l’actuelle Loi sur la protection du consommateur (LPC) du Québec – que l’on retrouve désormais à l’article 53.1.

En vigueur depuis le 5 octobre dernier, cette disposition contre les «Véhicules Gravement Défectueux» (VGD) vient renverser le fardeau de la preuve, au bénéfice des consommateurs. Certes, ces derniers doivent toujours s’adresser aux tribunaux pour faire déclarer leur véhicule «citron» – afin d’en faire annuler la vente, d’en diminuer le prix payé ou de le faire racheter par le constructeur. 

Mais plutôt que d’avoir à faire la preuve, ils peuvent désormais s’appuyer sur un simple calcul-calendrier.


George Iny, président de l’Association pour la protection des automobilistes (APA), estime que les effets de cette nouvelle mesure anti-citron seront positifs pour les concessionnaires: «Souvent, dit-il, les concessionnaires se trouvent mal pris entre leur client et le constructeur. Et ils s’attendent eux aussi à un dédommagement raisonnable pour leur temps et leur outillage. (…) Un tel recours pourra indirectement les aider à se charger d’un client qu’ils ne veulent pas perdre.»

 

David Adams, président-directeur général des Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada: «À bien des égards, (la loi anti-citron) ne change pas grand-chose à ce qui est prévu dans la Loi sur la protection du consommateur. Elle viendra aider les juges à déclarer plus facilement un véhicule «citron», mais les Québécois devront quand même aller devant les tribunaux – et c’est là l’un des défis des nouvelles dispositions.

 

Un, deux trois… citron adjugé

Évidemment, au Québec comme ailleurs aux États-Unis, un «citron» est un véhicule dont les défectuosités sont de nature à rendre «l’automobile impropre à l’usage auquel elle est normalement destinée ou qu’elles en diminuent substantiellement l’utilité». La mesure québécoise précise par ailleurs que «la présence d’un vice caché est réputée affecter une automobile déclarée automobile gravement défectueuse.»

Peut donc être déclaré «citron» québécois un véhicule, acheté neuf au cours des trois années précédentes et qui n’a pas parcouru plus de 60 000 kilomètres, s’il est…:

– affecté d’une défectuosité (toujours la même) que le concessionnaire / constructeur a infructueusement tenté de réparer à trois reprises sous la garantie conventionnelle (gratuite) sur une période.

– affecté de plusieurs défectuosités (non liées entre elles) que le concessionnaire / constructeur a infructueusement tenté de réparer à 12 reprises sous la garantie conventionnelle (gratuite);

– affecté d’une défectuosité (toujours la même) que le concessionnaire / constructeur a tenté de réparer à «une ou deux reprises» sous la garantie conventionnelle, dans des tentatives qui ont obligé le marchand à conserver le véhicule pendant plus de 30 jours.

Sur ce dernier point, Ian P. Sam Yue Chi, président-directeur-général de la CCAQ, a fait valoir, lors de son passage aux consultations publiques, les difficultés d’approvisionnement en pièces automobiles qui continuent d’affecter l’industrie. 

Du coup, les parlementaires ont amendé la clause: les jours ne sont pas comptabilisés lorsque le concessionnaire / constructeur démontre que la réparation ne peut être effectuée en raison d’une pénurie de pièces, et qu’une voiture de courtoisie est offerte au consommateur. «Nous apprécions que le gouvernement nous ait écoutés, a dit M. Sam Yue Chi. De la sorte, on ne créera pas des citrons qui n’en sont pas». 

Par contre, la CCAQ n’a pas réussi à ce que le nombre de «tentatives infructueuses» avant la déclaration «citron» ne soit augmenté de trois à cinq reprises, ni que le temps imparti pour déclarer un véhicule-citron au Québec soit réduit à 24 mois / 30 000 kilomètres après la première vente.

Il faut savoir qu’aux États-Unis, là où elles existent depuis quatre décennies, les Lemon Laws stipulent que le nombre d’années et de kilomètres entre la vente d’un véhicule neuf et le moment où un consommateur demande qu’il soit déclaré «citron» varient de… presque rien à 24 mois / 24 000 miles (38 600 kilomètres). Au Maine, la loi accorde trois ans, mais seulement 18 000 miles (29 000 kilomètres).

 

Jaune un jour, jaune toujours

Québec veut que la désignation «VDG» suive le véhicule affecté toute la durée de son existence. Ainsi, la Loi sur la protection du consommateur, qui oblige déjà les marchands d’automobiles d’occasion à apposer une étiquette détaillée (prix de vente, kilomètres à l’odomètre, etc.) à la fenêtre de chacun de ses véhicules usagés à vendre, doivent désormais y inscrire, le cas échéant, la mention «VDG».

Un commerçant encourt les amendes d’usage s’il omet de déclarer ce fait, notamment dans ses publicités (article 237.1). Il vend un «VDG» à un autre commerçant ou à un recycleur de véhicules? Il devra aussi en faire mention (article 260.27.1). Notez qu’à compter du 5 janvier 2025, des sanctions pécuniaires administratives s’ajouteront aux amendes imposées – qui, elles, auront entre temps pratiquement doublé.

 

À quand le registre «VDG»?

Le gouvernement du Québec n’a pas encore déterminé la manière dont sera transmise l’information, ce qui fait dire au PDG de la CCAQ «que la mention ‘Véhicule Gravement Défectueux’ doit être facilement repérable d’un propriétaire à l’autre – avec un registre, par exemple.»

«En ayant un répertoire (…) fiable, a précisé M. Sam Yue Chi, il sera possible pour quiconque, même dans un contexte de transaction entre particuliers, de repérer des «VGD» (…), une information clé pour le consommateur dans sa décision de se procurer le véhicule ou non.»

L’Association des marchands de véhicules d’occasion du Québec (AMVOQ) a quant à elle soulevé d’importantes questions dans le mémoire qu’elle a déposé à l’Assemblée nationale

https://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_191887&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz

  • Quelles seront les obligations du constructeur une fois qu’un véhicule est déclaré gravement défectueux? 
  • Qu’en est-il des véhicules qui proviennent d’autres provinces?

L’AMOVQ est d’avis qu’il faut maintenant «prévoir un mécanisme permettant de retirer la déclaration (citron) dans le cas où le problème serait corrigé de manière permanente.»

 

Véhicules d’occasion: la garantie de bon fonctionnement élargie

La Loi québécoise sur la protection du consommateur (LPC) comporte déjà une garantie de bon fonctionnement qui s’applique spécifiquement à l’automobile (et qui s’appliquera désormais aux appareils électroménagers et électroniques, soit dit en passant). 

À compter du 5 Avril 2024, cette protection prévue à l’article 160 de la LPC s’étendra à davantage d’autos usagées vendues par les marchands, en raison d’une reclassification des véhicules d’occasion (selon leur âge et leur kilométrage) qui va comme suit: 

Catégorie Garantie Max âge/km Max âge/km 

(maintenant) (à partir d’avril 2024)

 

A 6 mois / 10 000km 2 ans / 40 000km 4 ans / 80 000km

B 3 mois / 5 000km 3 ans / 60 000km 5 ans / 100 000km

C 1 mois / 1 700km 5 ans / 80 000km 7 ans / 120 000km

D La garantie de bon fonctionnement continuera de s’appliquer aux véhicules plus âgés

 

L’Association des marchands de véhicules d’occasion du Québec (AMVOQ) a dit regretter qu’on «oblige le commerçant à couvrir des problèmes qui ne sont plus couverts par la garantie conventionnelle du constructeur.» Son directeur général, Steeve De Marchi, a par ailleurs accordé un entretien téléphonique à Auto Média dans lequel il envisage les conséquences suivantes:

Steeve De Marchi, directeur général de l’AMVOQ :

«Il est clair que quelqu’un va devoir payer pour ces coûts de reconditionnement – et que les prix (des véhicules d’occasion) vont augmenter. On risque de voir une augmentation de la tendance de plusieurs de nos membres qui se convertissent en «whole sellers», et on va venir exacerber la fuite des bons véhicules usagés.»

 

Inspection gratuite avant les «retours de location»

Toujours à compter du 5 avril 2024, les concessionnaires devront offrir à leurs clients-locataires une inspection gratuite des véhicules loués et ce, dans les 30 à 60 jours précédant la remise des clés. Un rapport d’inspection devra être remis sur le champ; de la sorte, Québec veut permettre aux consommateurs qui le souhaitent de faire réparer eux-mêmes par un tiers. Ces consommateurs auront dix jours pour ce faire.

Notez que les concessionnaires pourront choisir de procéder à cette inspection à leur établissement ou au domicile de leur client; le choix de l’endroit sera donc la prérogative des marchands. 

En vertu de cette nouvelle disposition 150.17.1 dans la LPC, les concessionnaires qui n’offriront pas cette inspection gratuite ou qui n’en remettront pas le rapport ne pourront réclamer de frais pour de l’usure anormale.

Si, lors de la remise des clés, des frais pour usure anormale doivent quand même être chargés au client, le concessionnaire devra lui remettre un avis écrit – et lui accorder dix jours s’il souhaite, encore là, faire réparer par un tiers. Pendant cette période, le marchand ne pourra pas vendre ou relouer le véhicule – sans quoi il ne pourra pas réclamer les frais.

 

Droit à la réparation: une disposition particulière pour l’automobile

Canadian Automotive Service Information Standard (CASIS) ou pas, Québec a choisi d’enchâsser le Droit à la réparation dans sa LPC. Et un article (39.4), qui doit entrer en vigueur le 5 octobre 2025, vise spécifiquement l’industrie automobile en ces termes: les constructeurs devront «donner accès, dans un format lisible, aux données (…) à des fins de diagnostic, d’entretien ou de réparation».

Cela dit, contrairement aux autres produits de consommation visés par ce Right of Repair, les données automobiles n’auront pas à être fournies gratuitement. Cette exclusion soulage grandement la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec: «On ne peut que féliciter les élus d’avoir été à l’écoute et d’avoir adopté une approche constructive», a commenté l’organisme dans un courriel.

De son côté, l’Association des industries automobiles du Canada (AIA Canada) a aussi félicité le gouvernement, cette fois pour «reconnaître aux Québécois le droit de faire entretenir et réparer leur véhicule par l’intervenant de leur choix (… et de) garantir le maintien d’une offre de service essentielle dans les régions plus éloignées». 

 

 



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