Steve Flamand, le nouveau boss de Hyundai Canada
En succédant à Don Romano à la tête de Hyundai Canada, Steve Flamand, 54 ans, couronne une carrière bien remplie, dont 25 années avec General Motors un peu partout dans le monde. Depuis 2018 avec le constructeur coréen, il est maintenant le chef d’orchestre de 226 concessionnaires Hyundai et 31 distributeurs Genesis.
À vos débuts chez Hyundai Canada, le poste de président était-il dans les cartes ?
Non. Quand j’ai accepté de venir chez Hyundai, je voulais une compagnie en ascension et qui offrait des bons défis. C’est sûr que je m’adonnais bien avec Don. Même avant de me joindre à la compagnie, je savais qu’on allait bien travailler ensemble, mais il n’y avait rien de prédéterminé. J’ai touché aux produits, au numérique, aux ventes, à la tarification. Puis, au fil des ans, c’est devenu assez clair qu’on commençait à préparer la transition. Don parlait de retraite. Mais vous le connaissez, il est plein d’énergie, ça lui prenait un nouveau défi de l’autre côté du globe !
Y avait-il un autre candidat en lice ?
C’est une question pour Don. Pour moi, ça fait quand même 33 ans que je travaille dans l’industrie automobile. J’étais très satisfait de mon dernier poste (directeur général des ventes et de la stratégie numérique). Je ne me levais pas chaque matin en me disant : « Je veux le job de Don ! Je veux le job de Don ! » Mais en travaillant bien avec lui et les autres cadres et toute l’équipe, ça a facilité la transition. Ça aurait été quelqu’un d’autre, ça aurait été correct aussi. Mais c’est avec beaucoup d’humilité et beaucoup d’énergie que j’ai accepté le rôle. Ça va me faire plaisir de continuer la progression que Don a instaurée au cours des 10 dernières années. Et j’espère qu’au cours des 10, 15 prochaines années, on ira dans la même direction avec une bonne croissance.
Un Québécois à la tête d’une compagnie nationale ! Vos proches doivent exulter ?
Oui, c’est sûr. Je viens d’une famille de l’automobile. Mon père travaillait chez GM. Puis, ça a toujours été un rêve de me joindre à un constructeur, j’en étais passionné, puis un jour, de devenir le dirigeant d’une grosse compagnie. Pour que ce rêve devienne réalité, ça a pris des années de préparation. Mes parents ont de la difficulté à se contenir tellement ils sont heureux pour moi; pareil pour ma famille et mes trois garçons.
Comment décrire le leadership de Don Romano ?
C’est un gars qui accorde une grande marge de manœuvre. Il est bon pour écouter, diriger et nous donner ses idées, donc établir la vision, puis nous donner l’autonomie pour la déployer. Il n’y a pas meilleur que lui pour faire ça. Don vient d’une famille d’artistes et il a été capable de s’entourer de gens qui sont plus « numériques ». Cette équation-là a eu beaucoup de succès.
Justement, le numérique. Je crois que c’est un aspect de l’industrie qui vous tient à cœur ?
Oui. Nous sommes une industrie en train de se transformer avec les véhicules électriques mais aussi au point de vue de l’expérience de la clientèle, de la façon dont les gens recherchent les voitures et les achètent. Les gens veulent avoir une interaction avec nous qui est différente de celle du passé. Ils veulent le modèle Amazon mais dans l’automobile. Le numérique, c’est la solution. Au cours des cinq dernières années, j’y ai consacré beaucoup de temps. Nos systèmes numériques sont probablement les plus avancés de l’industrie. Mais il ne faut pas s’arrêter. Le numérique, ça bouge tellement vite.
Don a brassé la cage avec un programme Image et Genesis. Vous apprêtez-vous à provoquer des remous numériques ?
C’est sûr qu’il y aura des points de tension, soit avec les concessionnaires, soit avec notre équipe à l’interne. Il faudra travailler ensemble pour trouver des solutions.
Hyundai Canada est le 4e meilleur vendeur de véhicules neufs au pays. Est-ce utopique de rêver à la 1re place ?
Oui et non. Si on enlève les camionnettes, nous sommes no 2 au pays, derrière Toyota, et même no 1 au Québec. Nous n’avons pas les camions pour prendre des parts du gâteau qui représentent quand même le tiers du marché, mais ça ne veut pas dire que nous n’en aurons pas dans l’avenir. Cela dit, il sera possible de réduire l’écart avec Toyota au cours des prochaines années, du moment qu’on continue une croissance stratégique et logique.
Que pensez-vous de la disparition des incitatifs gouvernementaux pour les VÉ ?
Notre objectif demeure quand même d’être le leader dans les marchés des VÉ. Quand les gouvernements enlèvent les incitatifs, ça ralentit le marché, c’est sûr. Nous avons réagi avec nos propres incitatifs en janvier et en mars. Le gouvernement a tout de même un rôle à jouer parce que les mandats d’électrification sont très agressifs, surtout au Québec. On s’attend à des montagnes russes, mais notre vision ne change pas : grossir nos parts de marché dans les VÉ tout en étant capables de se retourner sur un 10 cennes. On a commandé plus de véhicules à essence pour la deuxième moitié de 2025, mais si le marché du VÉ reprend, nous pourrons réagir à la demande très rapidement.
Seriez-vous en faveur que les constructeurs chinois puissent se battre chez nous à armes égales ?
Ce qui importe, c’est de nous préparer parce qu’un jour, ils vont arriver, ces véhicules chinois. La question des tarifs va se régler. Nous offrirons alors une expérience client que les Chinois, eux, ne seront pas en mesure d’offrir, comme lorsque Hyundai est arrivé au Canada il y a 41 ans. À cette époque, nous avons causé des problèmes à certaines compagnies qui ne s’étaient pas préparées à l’arrivée des Coréens, soit qu’elles ne nous prenaient pas au sérieux, soit qu’elles se disaient « ils vont venir, ils vont repartir ». Mais il y a d’autres compagnies, comme Toyota, qui se sont préparées, qui se sont concentrées sur l’expérience du client. De sorte que nous les avons moins touchées que d’autres. Donc, quand les compagnies chinoises arriveront, nous serons prêts à défendre notre territoire avec notre expérience client et notre portfolio de voitures, en plus de travailler pour l’éventuelle transition vers un monde 100 % électrique.
Don Romano avait son style. Quelle sera la touche personnelle de Steve Flamand ?
Don et moi avons un style différent, mais ce qui nous ralliait, c’est notre foi en une équipe très forte, capable d’être créative pour atteindre notre vision de devenir le constructeur que les gens admirent. Pour y arriver, il faut travailler ensemble, écouter le marché et être ouverts aux critiques pour ensuite être capables de nous ajuster. Ça sera la seule façon de continuer à gagner dans ce marché. Ça sera mon style de gestion.