Scout Motors dit NON aux concessionnaires : Une tendance qui inquiète l’industrie
Inspiré par l’exemple de Tesla, le groupe Volkswagen ne fait pas que des heureux avec cette stratégie. Conscients qu’ils marchent sur des œufs, les concessionnaires sont mécontents, mais ils hésitent à le divulguer publiquement et à visage découvert. Texte de Germain Goyer, journaliste automobile
Une jeune pousse propulsée par un géant
Et pour la petite histoire, l’International Harvester Scout est un véhicule américain ayant vu le jour au début des années 1960. Il visait à rivaliser avec les produits de la marque Jeep avec d’authentiques 4×4. En 2021, le groupe Volkswagen a racheté le nom Scout Motors avant d’annoncer le retour de la marque l’année suivante. Puis, cet automne, voilà que Scout Motors a officiellement dévoilé deux modèles 100% électriques: un VUS (Traveler) et une camionnette (Terra). Hautement plus modernes et sophistiqués que les véhicules d’antan, ils conservent l’esprit d’autrefois par leur vocation aventurière. D’ailleurs, il est pratiquement impossible de ne pas faire le parallèle entre Scout Motors et Rivian. On se rappellera que cette entreprise américaine commercialise un VUS et une camionnette électriques de luxe s’adressant à une clientèle notamment adepte de plein air. La situation nous donne l’impression d’un géant de l’automobile, en l’occurrence le groupe Volkswagen, qui désire concurrencer un jeune constructeur en calquant le produit et le concept. Après tout, si ça fonctionne pour le voisin, pourquoi ça ne marcherait pas pour nous?
Mentionnons que Rivian, à l’instar de Tesla, a adopté le modèle des boutiques corporatives sur les marchés américain et canadien. Ainsi, il ne s’agit pas de franchise comme on a eu l’habitude de voir dans l’automobile, mais plutôt de détaillants appartenant au constructeur et dirigés par des gestionnaires locaux. À la suite de la présentation de ses deux premiers véhicules, Scout Motors a aussi précisé son modèle d’affaires. Lindsay Bago, chef du service des communications pour Scout Motors, a confirmé l’intention de la marque «d’ouvrir sept boutiques corporatives d’ici 2032». Le constructeur a ciblé les régions de Toronto, Montréal, Vancouver et Ottawa. «Nous développerons d’abord les marchés identifiés comme ayant la plus forte demande en fonction du nombre de réservations reçues», a mentionné Mme Bago. Au Canada, un dépôt de 150$ permet la réservation d’un Traveler ou d’un Terra. La collecte de dépôts des consommateurs fera donc partie intégrante de l’élaboration du plan d’affaires de l’entreprise.
Les installations permettront de faire la vente et le service en plus de proposer des essais routiers à la clientèle. De plus, Scout a affirmé qu’un service mobile sera mis sur pied dans un rayon de 300 km des boutiques corporatives.
Les concessionnaires Volkswagen se sentent abandonnés
Afin de ne pas miner ou mettre en péril leur longue relation d’affaires avec le constructeur, les concessionnaires Volkswagen sont peu bavards lorsqu’on place un micro devant eux. Cependant, leur ressentiment est perceptible. AutoMédia a réussi à obtenir le témoignage d’une personne à la direction d’une concession Volkswagen de la province de Québec. Cette personne a insisté pour conserver l’anonymat. Invitée à partager sa réaction face à la venue au Canada de la marque Scout Motors sans passer par un réseau de concessionnaires, notre source a affirmé être «extrêmement déçue sans toutefois être surprise en raison des informations qui circulaient». Elle évoque d’ailleurs que la réaction des concessionnaires Volkswagen américains est encore plus vive que la sienne. Des échanges musclés avec la National Automobile Dealers Association (NADA) ont justement lieu actuellement. Elle espère que la Canadian Automobile Dealers Association (CADA) pourra défendre les droits et les intérêts des concessionnaires Volkswagen du Canada dans cette situation.
Cette personne à la tête d’une concession Volkswagen prévoit un échec pour Scout Motors avec cette stratégie. Elle estime que l’organisation n’a pas les ressources nécessaires pour effectuer notamment la vente au détail et composer avec la clientèle au quotidien. «Avec Scout Motors, Volkswagen débarque sur un marché sans avoir l’expertise du client», ajoute-t-elle.
Elle déplore le fait que Volkswagen n’ait pas consulté le réseau de concessionnaires avant de faire une telle annonce. Elle trouve aussi dommage que le constructeur n’ait pas répondu aux questions des concessionnaires au fil de l’avancement du projet de la marque Scout Motors.
Questionnée sur la possibilité d’ouvrir une hypothétique concession Scout Motors, notre source a indiqué qu’elle «voudrait faire ses devoirs, analyser les exigences et les investissements, puis avoir le droit de dire non». Dans le contexte actuel, Volkswagen a complètement écarté le réseau d’entrepreneurs locaux avec lesquels le constructeur a bâti une relation d’affaires au cours des dernières décennies.
Un autre concessionnaire Volkswagen, faisant partie d’un grand groupe, s’interroge quant à la viabilité d’un réseau pour une marque qui ne compte que deux seuls modèles. Il a, lui aussi, requis l’anonymat.
L’avis de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec
De son côté, la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ) et son président-directeur général, Ian P. Sam Yue Chi, trouvent «intéressante la stratégie d’acquisition et de développement de nouveaux produits avec la marque Scout Motors».
Cela dit, l’organisation qui se porte à la défense des concessionnaires de la province «croit fermement au modèle d’affaires de distribution de véhicules par l’intermédiaire de concessionnaires franchisés et qu’il s’agit du meilleur modèle pour le constructeur et pour les consommateurs». M. Sam Yue Chi ajoute que «c’est d’ailleurs ce qui a fait le succès de Volkswagen sur un marché comme celui du Canada depuis les années 1950». Toujours dans l’analyse de la situation de Volkswagen, il explique aussi le «succès de la satisfaction de la clientèle par le fait que la marque est représentée dans plusieurs localités du Québec et qu’elle est capable de répondre aux besoins des consommateurs dans leur région». Ce que pourrait difficilement faire une jeune pousse comme Scout Motors avec seulement une poignée de boutiques corporatives à l’échelle canadienne.
En somme, les deux véhicules que sont les Traveler et Terra promettent d’être fort intéressants. Alors que cette marque appartenant au groupe Volkswagen adopte la stratégie des boutiques corporatives, certains concessionnaires arborant le logo VW déplorent le fait qu’ils soient carrément contournés et écartés de l’aventure. Partager