Partenariat concessionnaires – banques : un atout majeur ! 

Dans le cadre de la chronique Banque de cette édition, AutoMédia s’est entretenu avec Daniel Vaillancourt, directeur régional des ventes de la CIBC. Pour ce directeur qui a travaillé plusieurs années en concession, ainsi que pour RouteOne Canada, il est important de revenir à la base. 

« Vous savez, la mission des institutions financières ne consiste pas seulement à consentir des prêts pour que les concessionnaires puissent bouger de la tôle. Un échange de bons procédés doit s’instaurer pour que ce service se transforme en une relation profitable à long terme pour les deux partis J’ai donc envie de vous parler de problématiques liées au portfolio, de certains mauvais plis ancrés chez certains concessionnaires, de fraude et d’intelligence artificielle. »   

Pour ce faire, le directeur régional commence par nous mettre en contexte :

« La situation financière actuelle du consommateur est très différente de celle d’il y a quelques années. À cause de l’augmentation des taux d’intérêt, le ratio d’endettement est plus fragile que jamais. Des choses que nous avons toujours tenues pour acquises ont maintenant changé. Par exemple, un client qui possédait un taux d’endettement de 45 %, et à qui nous aurions normalement dit oui, verra peut-être aujourd’hui son paiement mensuel grimper de plusieurs centaines de dollars parce qu’il a signé une hypothèque variable sur plusieurs années. Ce même client se retrouvera peut-être avec un taux de 70 %, ce qui ne passe pas auprès des institutions financières, d’où l’importance de revisiter la relation entre le prêteur et le concessionnaire. » 

 

AutoMédia : L’industrie évoluant rapidement, quels sont les impacts sur vos services et les marchands ?

 

Daniel Vaillancourt : La post-COVID a provoqué un manque d’inventaire, une hausse des taux et une aide gouvernementale qui a masqué certains problèmes de crédit. Certes, les mesures gouvernementales du genre PCU ont permis de minimiser les impacts mais de façon temporaire. Ensuite, nous avons vécu un léger boum durant lequel les gens ont recommencé à magasiner des autos. La valeur des véhicules d’occasion a augmenté, mais le taux d’intérêt a fait la même chose. Quand l’aide gouvernementale a cessé, la personne qui profitait d’un taux variable ou qui avait l’habitude de changer de véhicule tous les deux ou trois ans n’a plus été capable de suivre. C’est ici que le concessionnaire a un rôle d’éducateur. Une équité négative à 4,5 %, c’est loin d’être la même chose quand le taux approche 10 %. 

 

Outre les taux d’intérêt, y a-t-il autre chose qui fait que la situation est différente aujourd’hui ? 

 

Je dirais la hausse des fraudes et la valeur de l’argent. Comme il y a beaucoup de concurrence et que les taux augmentent, alors que tous recherchent une part de marché intéressante, nous devons trouver des outils de masse et de volume pour nous donner une idée de la performance du portfolio à long terme. Le problème actuel est que le taux monte plus rapidement que notre capacité à modifier nos modèles. Depuis deux ans, le taux directeur a grimpé de plus de 3 %, mais la marge opérationnelle n’a pas eu le temps de s’adapter à cette hausse. Pensez au steak dans un menu. Si je l’affiche à 49 $, mais qu’un mois plus tard le même steak me coûte 49 $, je dois déchirer mon menu et en créer un autre. 

La situation économique nous amène donc à revoir ce qu’est un bon partenariat. Une concession qui m’apporte du volume mais des mauvais deals représente-t-elle un bon partenariat ? Trop longtemps, les institutions ont favorisé les commerces qui payent le plus. Or, un vent de changement souffle : lorsque le directeur commercial envoie une demande à huit endroits en 30 secondes pour obtenir la réponse la plus rapide, la plus payante et la plus facile, ce n’est plus nécessairement bon pour le portfolio à long terme. 

Ce genre de pratique revient à préparer huit véhicules pour finalement n’en vendre qu’un seul. L’ensemble du partenariat s’en trouve fragilisé. 

Par conséquent, nous nous efforçons de mieux déterminer où nous nous situons dans la relation avec le concessionnaire. Avant, le seul critère du partenariat reposait sur le chiffre d’affaires; aujourd’hui, ce chiffre d’affaires est toujours pris en compte, mais la performance du portfolio est devenue tout aussi importante. 

 

 

Vous mentionnez une hausse des fraudes. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Les réseaux sont de plus en plus sophistiqués, les pièces d’identité sont de plus en plus réalistes. Les fraudeurs visent surtout les concessionnaires qui n’ont pas adopté un bon processus d’identification et qui approchent toutes les banques pour trouver celle qui offrira de retirer une condition ou qui approuvera le prêt le plus rapidement possible. 

Je comprends que le vendeur et le directeur commercial sont payés sur chaque vente. Mais je crois que les propriétaires et les directeurs généraux devraient revoir leur formation. Si je constate que les fraudes se multiplient et qu’elles frappent souvent le même marchand, je dois malheureusement mettre un terme au partenariat. Il est essentiel d’entretenir une belle relation d’entraide avec ton prêteur si tu veux continuer de recevoir plusieurs options qui te permettront de conclure une vente. 

D’ailleurs, notre équipe des ventes sera sur le terrain pendant le printemps et l’été afin d’aider les concessionnaires à améliorer leur processus d’identification et à prévenir les fraudes. 

 

Comment intégrez-vous l’intelligence artificielle (IA) dans vos prises de décision ? 

 

Nous améliorons constamment nos logiciels et nos opérations afin d’optimiser la profitabilité du portfolio, pour bien examiner la validité de la personne qui fait la demande de crédit. Nous testons actuellement des logiciels pour intégrer l’IA dans ces différents processus. En plus de l’utiliser parallèlement à nos procédures traditionnelles, nous actualisons la banque de données tous les trois mois pour qu’elle prenne en considération les informations nouvellement acquises. Au fil du temps, l’IA sera en mesure de prédire les situations hasardeuses. 

Aujourd’hui, le système peut accepter une demande de crédit qui frôle la perfection. Mais ce type de demande ne représente qu’environ 5 % de nos opérations. Par ailleurs, il refuse aussi de 15 à 20 % des demandes. Notre but est de réduire l’intervention humaine dans les scénarios les plus simples pour qu’on puisse se concentrer sur les dossiers qui sont dans des zones grises.

C’est la manière la plus efficace d’augmenter le volume, et ce, en limitant les risques. Bien entendu, les institutions doivent être en mesure d’offrir les formations adéquates aux concessionnaires. Ces derniers doivent comprendre pourquoi nous demandons certaines informations et pourquoi c’est important de nous les fournir dès le début de la transaction. 

 

Un mot de la fin ?

 

Nous espérons que les dirigeants des concessions prendront plus de temps avec leur bureau commercial pour parler de processus et de responsabilité, autant que de profits. Je ne veux absolument pas mettre toutes les franchises dans le même bateau mais depuis une dizaine d’années, le département F&A a souvent été considéré comme une vache à lait, à un point tel qu’on a parfois mis de côté sa responsabilité réglementaire. 

Le premier rôle du concessionnaire dans un réseau de prêteurs indirects, tel qu’il est construit au Québec, c’est d’identifier le client qui se trouve devant lui, puis de transférer les informations qu’il a pu vérifier dans la mesure du possible. 

 

 

 

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