Entre l’Italie qui se place en quarantaine et la Chine qui se remet tranquillement du coronavirus (et de ses ventes d’automobiles qui ont plongé de 80 % en février), le monde retient son souffle devant cette alarmante situation internationale qui change d’heure en heure. De quels symptômes souffrira l’industrie automobile ? L’agence de notation Moody’s a tenté une prédiction : une chute des ventes mondiales de 2,5 % en 2020, la Chine allant évidemment être la plus touchée.
Est-ce que l’annulation de leurs projets de voyages à l’étranger poussera les consommateurs à se faire plaisir… en dépensant leur argent dans l’achat d’un nouveau véhicule ? Avec la chute (déjà amorcée) du prix de l’essence, est-ce que les gens se tourneront plus que jamais vers les utilitaires, de plus en plus gros… avec en trame de fond la mise au rancart (temporaire) des véhicules électriques ? Est-ce que la (possible) phobie du virus sortira les gens des transports en commun et les poussera vers les concessionnaires automobiles pour se procurer un mode de transport individualisé ? Est-ce que la peur de la transmission du virus dans les lieux publics favorisera des marques comme Cadillac, qui mise sur des salles de montre virtuelles, voire Genesis, qui effectue la livraison à domicile ?
Sinon, bien malin celui qui peut prévoir l’impact du coronavirus chez les concessionnaires automobiles. On a quand même sondé les grands prophètes de l’industrie canadienne. Voici ce qu’ils nous ont dit.
Dennis DesRosiers, président de DesRosiers Automotive Consultants
Il n’y a pas de doute, le virus va entraîner un impact négatif sur l’ensemble du secteur automobile, quoique certains secteurs seront plus touchés que d’autres. Je crois que celui des véhicules de luxe sera le plus durement affecté. En effet, lorsque le marché boursier et l’immobilier sont en hausse, les consommateurs se sentent « riches » et achètent plus; le contraire se produit lorsque les marchés dégringolent, comme ils le font actuellement.
La grande question est donc : est-ce que tout ça va nuire au sentiment de confiance des consommateurs ? Si le secteur automobile subit un choc économique, il va nécessairement provenir d’un changement dans la psychologie de la clientèle et ses habitudes de dépenses. Si les gens se mettent en mode d’éloignement social et de cocooning (de bien beaux mots pour dire quarantaine), autrement dit, si les gens se consignent à demeure à se préoccuper de leur REER et de leur CÉLI, ils ne sont pas en train de s’acheter un véhicule.
Et s’ils ne sont pas en train de s’acheter un véhicule, toute la chaîne est compromise : les concessionnaires, mais aussi les distributeurs, les OEM, les fournisseurs de pièces et de matériaux, les fabricants d’outils… Rappelons qu’un emploi sur sept au Canada est lié directement au secteur de l’automobile (environ 700 000) et des millions d’emplois supplémentaires sont indirectement liés.
Cela dit, la bonne nouvelle, c’est que le secteur automobile rebondit toujours après une correction du marché – la crise économique de 2008 en est le parfait exemple; les ventes ont chuté de 200 000 unités, pour ensuite remonter à des niveaux records, et ce, pour la plus longue période de leur histoire.
Brian Murphy, vice-président Recherche et Analyse, Canadian Black Book
Cela va prendre du temps avant que l’on comprenne exactement les incidences [du coronavirus] sur l’offre et la demande, tant pour les véhicules neufs que pour ceux d’occasion.
Du côté du neuf, ça risque d’être aussi simple que : est-ce que les véhicules peuvent encore être construits ? Si l’on se fie aux nouvelles, certaines usines annoncent un retour à leurs activités, tandis que d’autres disent fermer ou modifier leurs opérations. Ensuite, est-ce qu’ils peuvent être livrés, ces véhicules ? Ce second aspect est important. Évidemment, on ne peut assembler s’il manque des composantes. Mais même une fois sortis de l’usine, les véhicules doivent pouvoir être acheminés jusqu’aux concessionnaires, ce qui implique des centaines de travailleurs. Donc, sur le plan de l’offre, c’est l’incertitude qui plane.
Concernant les véhicules d’occasion, il va falloir surveiller la chaîne d’approvisionnement, par exemple celle des encans. On sait que le taux de change a une influence importante sur le marché nord-américain des véhicules usagés. Et au moment où l’on se parle, le huard a atteint son plus bas niveau en quatre ans. Pour le Canada, cela pourrait signifier que les prix de l’occasion demeureront élevés, avec des importations profitables vers les États-Unis.
L’autre point important est la façon dont les différents joueurs vont réagir. Est-ce que les concessionnaires vont augmenter leurs dépenses en marketing pour convaincre les gens de sortir de leur maison ? Vont-ils offrir de nouveaux incitatifs ou des essais routiers à domicile ? Ou allons-nous plutôt assister à l’effet inverse : par exemple en cas de disponibilité limitée des véhicules neufs, les constructeurs et les concessionnaires deviendront-ils moins enclins à proposer des incitatifs ? Ça reste à voir.
Une chose est sûre : il y aura de la volatilité dans les prix. Si les véhicules neufs se font de moins en moins disponibles, les acheteurs pourraient se tourner vers les véhicules d’occasion, qui connaîtront – là encore – une pression à la hausse de leurs prix.
Ventes de véhicules au Québec
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