Le crédit alternatif en pleine expansion

En moins de cinq ans, les demandes pour le crédit alternatif ont fait un bond de 50 % dans les concessions et chez les marchands automobiles au Québec. C’est énorme ! Et en raison du climat économique, cette croissance est loin de vouloir s’atténuer.
« En 2024, le crédit alternatif représente désormais 15 % des modes de financement dans les concessions et chez les marchands automobiles. Il représentait moins de 10 % en 2019 », affirme André-Martin Hobbs, PDG fondateur de DecisioningIT. Grâce aux données accumulées par les outils d’intelligence artificielle en préapprobation de crédit que propose son entreprise, ce dirigeant assiste, aux premières loges, à la montée progressive du crédit alternatif… et à l’ajout de nouveaux joueurs que ce marché intéresse.
C’est la faute à…
La pandémie, les hausses du taux d’intérêt de la Banque du Canada, y compris la stratégie des constructeurs (qui ont considérablement réduit leur nombre de véhicules à prix abordables) constituent les principaux facteurs pointés du doigt ayant provoqué cette situation, soutient Martin Proulx, directeur général à Beaucage Auto Crédit, une division du Groupe Beaucage. Lui aussi est témoin de la vigueur que prend le crédit alternatif au sein du marché automobile.
Cet expert en crédit spécialisé constate que plus de 50 % de sa clientèle éprouvent désormais des enjeux de paiements. « Il arrive fréquemment qu’au moins quatre à cinq clients par semaine doivent consulter un syndic afin de corriger leur situation. Avant la pandémie, c’était un à deux. »
Des taux de défaut en hausse
En Amérique du Nord, les taux de défaut de paiement parmi les emprunteurs automobiles à risque (ceux dont le score de crédit est faible) ont récemment atteint leur plus haut niveau depuis des décennies. Un nombre croissant d’emprunteurs de premier ordre ont également pris du retard, entend-on dans l’industrie. Au lieu de rembourser leurs prêts existants, de nombreux consommateurs transforment leur valeur nette négative en prêts automobiles neufs, créant ainsi un cycle d’endettement coûteux, nous confient plusieurs sources. Au dernier trimestre de 2024, près d’un consommateur sur quatre (24,9 %) ayant échangé un véhicule contre un neuf était en défaut de paiement sur son prêt précédent. Ils représentaient moins de 15 % en 2021.
Martin Proulx se demande comment cette situation se corrigera. « Le coût moyen d’un “petit” paiement mensuel dépasse aujourd’hui les 750 $. Et même davantage. Par conséquent, le consommateur est de plus en plus coincé financièrement. »
Dans plusieurs régions de la province, le véhicule n’est pas un luxe, mais une nécessité pour les gens qui habitent le territoire. « Quand on sait que le véhicule devrait correspondre à 17 % des revenus nets d’un individu, imaginez ce que cela représente pour un employé gagnant 30 $ de l’heure, 40 heures semaine. Ajoutez les impôts, les diverses cotisations, et ce client se retrouve avec moins de 400 $ par mois en poche pour payer son véhicule… les assurances, les coûts d’entretien, sans oublier l’essence. »
La nouvelle bouée
Le crédit alternatif est devenu la bouée de sauvetage pour plusieurs consommateurs, notamment ceux qui ont un taux d’endettement élevé, un mauvais crédit ou un refus bancaire pour multiples raisons. « Ce n’est pas compliqué. Plus du quart des détenteurs de véhicules doivent désormais recourir à ce type de financement pour acheter un véhicule », observe Luc Tremblay, directeur régional des ventes Québec, à iA Financement Auto.
Il tient à souligner qu’iA est le seul prêteur en crédit spécialisé au Québec qui propose aux consommateurs un financement à taux décroissant. « À tous nos clients qui respectent leurs échéanciers, nous offrons une réduction de taux de 10 % tous les 12 mois. Par exemple, un client qui aurait un taux de 18 % verrait ce dernier réduit à 16,2 % », explique le gestionnaire, qui constate lui aussi une hausse soutenue du prêt spécialisé.
Être bien préparé
En raison de l’actuelle situation économique, les concessionnaires ont avantage à être bien préparés afin de mieux aider les consommateurs aux prises avec des profils présentant un risque de crédit élevé, soulève la directrice régionale Québec à EdenPark, Audrey Hébert.
Des profils, dit-elle, qui peuvent être aussi variés qu’une faillite, des retards de paiement (doit-on rappeler que deux retards d’affilée sur une carte de crédit place le client dans une catégorie dite à risque) ou même un jeune client au crédit vierge.
Elle cite en exemple un client qui aurait toujours été fidèle envers sa concession, un client qui, du jour au lendemain, traverse une situation difficile comme la perte de son emploi, une séparation, une maladie grave, et par conséquent nécessite l’usage du crédit spécialisé pour acheter son prochain véhicule. « Est-ce qu’un concessionnaire peut se permettre, en 2025, de perdre ce client parce qu’il n’offre pas ce type de crédit ? Je ne crois pas. Il existe des solutions pour aider ces clients à trouver le bon véhicule et à rebâtir rapidement leur crédit », insiste la gestionnaire.
Travailler le crédit correctement
André-Martin Hobbs soutient toutefois que le crédit alternatif pourrait être mieux « travaillé » par certains directeurs et directrices des départements commerciaux. « Plusieurs ont pris l’habitude de multiplier les demandes de crédit pour leurs clients dits “à risque” plutôt que de frapper instantanément à la bonne porte. Or, il faut savoir que les institutions financières et les divers prêteurs vont exiger un rapport d’historique des antécédents de crédit du client pour chaque demande reçue. Si le client a été refusé par une première institution, une deuxième institution risque de faire de même et ainsi de suite pour la troisième, la quatrième, la cinquième… Du coup, le client peut se retrouver avec une dizaine d’applications de crédit en ayant visité un seul concessionnaire », explique le PDG de DecisioningIT.
Et parce que ce client sera insatisfait du taux élevé qu’il finira par obtenir, il va généralement voir un autre concessionnaire où le directeur commercial recommencera le même procédé, accumulant, une fois de plus, le nombre d’applications refusées. « Par conséquent, un même client peut avoir à son dossier plus d’une trentaine de demandes d’applications en moins de trois jours après avoir visité trois concessionnaires. Rien pour aider son crédit », conclut le fournisseur.