Toyota Hybride

La mission électrique de Toyota: d’abord les hybrides !

Bien avant de devenir président de Toyota Motor Corporation en 2013, Takeshi Uchiyamada et un essaim d’ingénieurs planchaient sur une voiture qui réduirait les émissions de gaz à effet de serre et autres cochonneries qui polluent notre air.

En 1995, ils dévoilèrent au Salon de l’auto de Tokyo le prototype d’une voiture hybride. Moins de deux ans plus tard, le modèle NHW10 fut mis en vente au Japon le 10 décembre 1997. Un timing impeccable puisque le lendemain plusieurs nations signaient le premier Protocole de Kyoto.

C’est sur ce tremplin du mouvement environnemental que s’est élancé la Prius, le tout premier véhicule de masse mariant essence et électricité. Le modèle NHW11, la deuxième génération, fut ensuite introduit au reste du monde en 2000.

 

Honda Insight ET Toyota Prius  

Vrai, la Honda Insight a débarqué en Amérique du Nord sept mois avant la Prius, exactement en décembre 1999. Mais, préfigurée par le concept J-VX de 1997, elle n’avait été lancée au Japon qu’un mois plus tôt.

Si tous les constructeurs s’aventurent aujourd’hui dans l’électrification, Toyota n’a d’autres choix que d’y exceller puisque la voilà désormais et à jamais affublée du sceau de pionnière.

Ça tombe bien, sa longueur d’avance en matière d’hybrides sur la compétition est colossale. En avril dernier, on estimait que 17 millions d’hybrides avaient trouvé preneurs sur la planète depuis 1997. Or, deux mois auparavant, Toyota avait franchi le cap des 15 millions de véhicules hybrides vendus dans le monde (dont 200 000 au Canada depuis l’an 2000). Faites le calcul… 

Mais c’est ici que le bât blesse. Toyota est sans conteste la championne des hybrides mais elle commence à peine à flirter du côté de l’énergie rechargeable avec la famille Prime qui ne compte à date que deux membres (RAV4 et Prius), tandis que son catalogue ne recèle aucun BEV. Quant à la bizarroïde Mirai, un FCEV, ses bornes de recharge sont aussi rares qu’un CHSLD bien géré.

Toyota / Lexus: 15 modèles hybrides

Vingt-trois ans plus tard, la technologie héritée de la Prius originale alimente en ce moment 15 hybrides commercialisés au Canada par Toyota et Lexus ; une flotte qui, l’an dernier, a représenté 14,5 % des ventes totales du constructeur bicéphale (versus 11,5% aux États-Unis). 

Les huit hybrides de Toyota :  RAV4 / RAV4 Prime, Highlander, Camry, Corolla, Prius / Prius Prime et Mirai (hydrogène). Un 9e se pointe le bout du pare-chocs ce mois-ci : la Venza ressuscitée pour le millésime 2021. Et un 10e d’ici les Fêtes : la Sienna de 4e génération.

Les sept hybrides de Lexus : ES 300h, LC 500h, LS 500h, UX 250h, NX 300h, RX 450h et RX 450hL

Et c’est loin d’être fini. Comme personne ne peut jurer quelle technologie l’emportera au long terme, Toyota mise sur tous les tableaux en même temps :

  • Hybrides (HEV, ou Hybrid Electric Vehicle)
  • Hybrides branchables (PHEV, ou Plug-in Hybrid Electric Vehicle)
  • Véhicules électriques avec pile à combustible (FCEV, ou Fuell Cell Electric Vehicle)
  • Véhicules électriques à batterie (BEV, ou Battery Electric Vehicle)

En fait, d’ici 2025, Toyota Canada promet que tous les modèles de sa gamme comporteront au moins une version électrifiée (40% du portfolio total) grâce à des modèles rafraîchis ou inédits. Et dans le lot, on retrouvera au moins 10 BEV.

Mais c’est ici que le bât blesse. Toyota est sans conteste la championne des hybrides mais elle commence à peine à flirter du côté de l’énergie rechargeable avec la famille Prime qui ne compte à date que deux membres (RAV4 et Prius), tandis que son catalogue ne recèle aucun BEV.

Quant à la bizarroïde Mirai, un FCEV, ses bornes de recharge sont aussi rares qu’un CHSLD bien géré.

Pourquoi ce retard alors que plusieurs constructeurs proposent des BEV ? Pour le savoir, AutoMédia a discuté avec Stephen Beatty, vice-président d’entreprise chez Toyota Canada Inc.

 

Entrevue avec Stephen Beatty, vice-président d’entreprise chez Toyota Canada Inc.

AutoMédia : Vous offrez plusieurs hybrides aux Canadiens mais aucun véhicule 100% électrique, sauf la Mirai. Pourquoi ?

Stephen Beatty : En ce moment, Toyota Canada estime que nos clients peuvent retirer de meilleurs bénéfices avec des véhicules électriques rechargeables qui offrent les avantages d’une conduite électrifiée et moins polluante sans les compromis associés à un BEV. Nous croyons que l’acceptation des BEV par le consommateur aura une lente et constante croissance au cours de la prochaine décennie, avec un rôle de premier plan au sein des communautés urbaines.

 

AM : Si les batteries n’étaient pas aussi coûteuses, est-ce que Toyota offrirait plus de BEV ?

SB : Les BEV semblent avoir accaparer la plupart des projecteurs de l’électrification au cours des dernières années. Mais ils ne sont pas la meilleure solution pour tout le monde. Ils requièrent un long temps de recharge, ils offrent une autonomie limitée, surtout l’hiver, et par-dessus tout, ils sont chers. Pour encourager leur adoption, les gouvernements ont besoin d’offrir de gros incitatifs financiers. Les BEV exigent une coûteuse infrastructure pour supporter leur technologie. Il existe aussi à l’échelle du globe une quantité limitée de matériaux nécessaires pour produire des batteries pendant que la demande, elle, ne cesse de grimper, pas seulement de la part du segment des transports mais aussi de tous les secteurs qui assemblent aujourd’hui des appareils mobiles et connectés. Il est donc vital d’utiliser ces ressources le plus efficacement possible.

Enfin, voici quelque chose à considérer : la capacité moyenne d’une batterie dans un BEV est d’environ 60 kWh, alors que la capacité moyenne de la batterie dans un hybride Toyota est 1,4 kWh.

Ça signifie que vous pouvez construire 42 Prius au lieu d’une batterie de 60 kWh qui n’alimentera qu’un seul BEV. Or, 42 Prius, qui réduisent chacune les émissions de gaz à effet de serre de 30%, ont l’impact de 12 BEV. Donc, à partir de la même ressource, voulez-vous la réduction des gaz nocifs d’une seule automobile ou de 12 ? Et on parle de 12 véhicules qui ne provoquent pas d’anxiété vis-à-vis l’autonomie, qui sont accessibles financièrement, qui n’ont pas besoin d’incitatifs gouvernementaux ou d’investissements majeurs en infrastructure.

 Voilà pourquoi, à l’heure actuelle, nous croyons que les hybrides et les hybrides rechargeables sont des solutions pratiques et réalistes qui :

  • Exploitent le plus efficacement possible les ressources limitées de la planète;
  • Aident les Canadiens à choisir des véhicules à faibles émissions ;
  • Ne demandent pas aux gouvernements de coûteux incitatifs ;
  • Abaissent collectivement les émissions nocives de manière significative.

 

AM : Mais en vous tenant loin des BEV, ne craignez-vous pas de passer pour conservateur, voire de souffrir d’un manque d’audace ?

SB : À mon avis, la Mirai est plutôt audacieuse. Mais nous y reviendrons plus tard. Il n’y a qu’un seul manufacturier à avoir du succès pour le moment avec les BEV, et c’est Tesla. Tous les autres échouent misérablement.

 

AM : Vous n’y allez pas un peu fort ?

SB : Tesla ne dessert pas tant l’environnement que la technologie, l’aspiration à un statut social et le luxe. Mais si l’objectif est réellement de diminuer les gaz à effet de serre, il est très difficile présentement de proposer mieux que des hybrides. L’autonomie des BEV reste un problème, surtout durant des utilisations 24/7 (comme un taxi). Et les BEV s’intègrent mal à une gamme complète de produits du point de vue de la rentabilité.

Nous avons pourtant été les premiers à rencontrer les décrets environnementaux de la Californie. Ce n’est pas que Toyota ne sait pas faire des BEV mais ils demeurent encore trop chers. D’un point de vue environnemental et financier, les hybrides font plus de sens, quand tous les objectifs – émissions, consommation, coût d’achat et fiabilité – sont atteints.

 

AM : Mais pourquoi alors mettre autant d’énergie sur la Mirai alors que ce que vous reprochez aux BVE est encore plus flagrant dans le cas d’un véhicule à hydrogène ?

SB : Il faut voir « the big picture ». Bien sûr que la Mirai ne ratisse pas large, tout comme Toyota ne fabrique pas seulement des autos. Par exemple, nos chariots élévateurs sont très populaires. Quand tu regardes plusieurs types de véhicule, que tu grossis leur gabarit et que tu considères leur utilisation 24/7, l’hydrogène fait du sens.

Une pile à combustible n’affecte pas la capacité de chargement d’un camion lourd. Mais quand ce même camion est bourré de batteries, ce n’est plus pareil. Imaginez plutôt des camions, des autobus, des véhicules industriels dotés de la technologie de la Mirai. La gamme d’applications commerciales est très vaste. Si nous pouvons rendre assez compacte une nouvelle technologie pour l’installer dans une auto comme la Mirai, on peut tout faire !

 

AM : Vous avez vendu un RAV4 EV aux États-Unis (de 2012 à 2014). Pourquoi avoir cessé ?

SB : Sincèrement, il n’était pas très bon et il était coûteux. Quand on demande aux consommateurs de sortir leurs sous, il faut s’assurer en retour de leur en donner pour leur argent. Quand ils achètent une Corolla, c’est d’abord pour sa fiabilité et son accessibilité. Avec les BEV, nous ne sommes pas encore rendus là.

 

AM : Et si les gouvernements cessaient de subventionner les hybrides ?

SB : Nous établissons nos prix en fonction d’un monde sans subventions gouvernementales, des incitatifs qui sont volatils. Je ne veux pas faire de lobby dans un sens ou l’autre mais les subventions entraînent des réactions à la chaîne. Que se passe-t-il quand les gouvernements favorisent une technologie mais pas une autre ? Si les incitatifs sont trop bons et visent une cible trop étroite, les effets sont pervers. Par exemple, les ventes de BEV sont en hausse en Amérique du Nord mais les émissions de carbone aussi. Pourquoi ? Pour certains acheteurs, les BEV performent mieux que des voitures compactes hybrides mais tous les autres se précipitent sur des camionnettes et des utilitaires ! Si l’objectif est réellement d’abaisser les émissions nocives, alors les BEV font partie de l’équation. Mais si on ne s’attarde qu’aux véhicules à zéro émission pendant que les ventes de camions augmentent, ce n’est pas efficace.

Posez la question à Honda et ils vous répondront qu’ils ont une stratégie similaire à la nôtre. Mais plusieurs constructeurs, qui avaient misé sur le Diesel, ne maîtrisaient pas nécessairement la technologie hybride. Ils ont quand même effectué le saut vers les BEV. Mais ce n’est pas si facile. Ce segment de l’industrie comporte ses propres règles. On croit que si le coût des batteries baisse, il y aura plus de BEV. Mais leurs usines coûtent aussi très cher. Sans parler du coût des matériaux rares qui entrent dans la composition des batteries. Je dirais que d’ici deux ans, le monde disposera enfin de batteries qui changeront la donne. Juste à temps pour notre engagement de 2025 !

Je souligne aussi que les BEV fonctionnent bien au sein d’une infrastructure propre, comme celle du Québec, mais pas dans un monde où le charbon est roi. Dans ces pays, une Prius fait plus de sens qu’un BEV. De même pour les camions, les autobus, etc.

 

AM : Vous dites qu’une Prius réduit de 30% les émanations de gaz à effet de serre. C’est un chiffre de Toyota ou une statistique scientifiquement documentée ?

SB : Nous nous référons aux chiffres de Transport Canada. Par exemple, ils nous apprennent qu’un Highlander Hybride est plus efficace énergétiquement que l’était la Yaris 2019. Faut le faire !

En somme, nous recherchons une situation win-win pour le client, pour nous et pour l’environnement. La course vers le « zéro émission » doit obligatoirement passer par la technologie hybride, une technologie qui doit maintenant s’étendre aux utilitaires et aux camionnettes. Et quand le coût des batteries et des piles à combustible entreront dans une autre phase, nous serons prêts aussi.

 

Stephen Beatty, vice-président d’entreprise chez Toyota Canada, croit plus aux hybrides qu’aux véhicules 100% électrique. Pour le moment…

 

 

 

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