Faisons le point sur Polestar Canada avec Hugues Bissonnette, directeur national de la marque

Dans son magazine de Février/Mars, AutoMédia a publié une entrevue avec Hugues Bissonnette, directeur national de Polestar Canada, une entrevue réalisée dans le cadre du Salon de l’auto de Montréal. Depuis, déjà deux mois se sont écoulés. Nous avons donc profité de la mise en ligne de cet entretien pour actualiser la situation avec M. Bissonnette lui-même. Et vive l’instantanéité de l’internet !
À la fin de l’été dernier, les États-Unis et le Canada ont décrété que les véhicules construits en Chine subiraient une surtaxe de 100 % à compter du 1er octobre. Ainsi, un constructeur chinois qui souhaite vendre en Amérique du Nord son véhicule, disons, 60 000 $ doit plutôt l’offrir à 120 000 $, à moins d’absorber lui-même une partie ou la totalité du tarif.
Cette situation touche Polestar, puisque la 2 et la 3 sont construites en Chine. Comment avez-vous réagi ?
Dès qu’on a su que les tarifs s’en venaient, nous avons poussé la production pour rentrer au Canada le plus de stock possible avant le 1er octobre. Aujourd’hui, j’ai assez de 2 et de 3 pré-tarifs pour une partie de l’année 2025.
Pourquoi les gouvernements ont-ils imposé cette taxe ?
La plus acceptée des théories dit qu’il s’agit d’une manière d’empêcher les constructeurs chinois grand public de s’installer en Amérique du Nord en offrant des coûts inférieurs à ceux de certains autres fabricants. Des gens disent que la Chine pratique une concurrence déloyale. Peu importe comment on appelle ça, je pense que la réalité est qu’il y a présentement des constructeurs chinois qui produisent de beaux véhicules, des véhicules de qualité. Chez nous, nous devons procéder à un ajustement pour baisser nos coûts.
Tant que la taxe sera maintenue et dès que votre stock pré-tarif sera tari, vos clients feront face à des factures très salées.
Allons-y par modèle. En ce qui concerne la Polestar 2, nous avons effectivement de l’inventaire pré-tarif. Quand celui-ci sera épuisé, je cesserai d’en importer tant que les tarifs seront en place puisque la 2 est construite en Chine et qu’un changement d’usine à court ou moyen terme n’est pas possible. Cependant, cet été, j’aurai plusieurs retours de location, dont des 12 mois. Nous aurons donc des véhicules de moins de 15 000 km à des prix attrayants. Il s’agira d’un bel incitatif pour la 2 jusqu’à ce que la situation des tarifs se résorbe. Notons aussi que Québec versera à nouveau des subventions à compter du 1er avril.
Dans le cas de la Polestar 3, nous avons déjà une production en marche à notre nouvelle usine de Caroline du Sud (en banlieue de Charleston). Cet inventaire américain prendra la relève du stock chinois dès que ce dernier sera écoulé. Cette usine fournira en 3 les États-Unis, le Canada et certains pays d’Europe. Pour le moment, seuls les deux modèles de la 3 à traction intégrale sont offerts au Canada. La version RWD (un seul moteur électrique) pourrait se pointer en 2026.
La Polestar 4, un multisegment comme la 3 mais plus compact et présenté au Salon de l’auto de Montréal, verra sa production démarrer en Corée du Sud à l’été 2025 pour des livraisons dans le monde d’ici la fin de l’année. Bien que la 4 échappe à la surtaxe parce qu’elle n’est pas construite en Chine, nous étudions présentement la date de son arrivée au Canada. La Polestar 7, un VUS compact d’entrée de gamme, sera produit en Europe, donc hors tarif elle aussi. Bref, notre portfolio s’agrandit et on s’assure d’avoir un réseau de fabrication mondial pour pallier les tensions géopolitiques.
Si je sais bien compter, il y aurait de la place pour une 5 et une 6 ?
Pour l’instant, le lancement de la Polestar 5 est planifié à la fin de cette année. Ce sera une berline Grand Touring quatre places, une voiture à l’âme sportive conçue sur sa propre plateforme en aluminium, donc très légère, très dynamique et très performante. Quant à la Polestar 6, même plateforme que pour la 5 mais décapotable. Dans probablement 24 mois.
Polestar a beaucoup dépensé et son action a chuté. Heureusement que vous profitez des usines de Volvo et du coffre-fort de Geely. Entrevoyez-vous une lumière au bout du tunnel ?
Nos projections financières disent que notre EBITDA sera positif cette année.
En se basant sur quoi ?
Sur plusieurs bonnes nouvelles. D’abord, une gamme de produits plus étendue. À elles seules, les 3 et 4, nos deux nouveaux VUS, représentent plus de 70 % des commandes mondiales. L’augmentation prévue des ventes repose aussi en partie sur une importante expansion du réseau des concessionnaires en Europe, incluant la France cette année. Sans oublier le lancement de la 5, première Polestar dotée de la technologie 800V (qui permettra une recharge très rapide). Et bien sûr, au Canada, nous offrons 5000 $ de bonis à tout propriétaire de Tesla qui voudrait faire la transition vers Polestar, et ce, sans même devoir la donner en échange.
Votre concession de Laval, un bâtiment blanc ultramoderne (proprio : Anthony Taddeo), est spectaculaire !
Oui. Elle n’est pas seulement l’une des plus belles en Amérique du Nord mais aussi dans le monde entier !
À quoi ressemblera la suite de votre réseau québécois ?
La Rive-Sud de Montréal, ça fait longtemps qu’on en parle. Il y aura un établissement en 2026. À Québec, le Groupe Saillant vient d’emménager dans une salle d’exposition temporaire bonne pour deux voitures et une baie de service, à côté de sa concession Volvo (achetée de Rachel Léonard en 2024). Comme les Saillant possèdent plusieurs terrains, ils analysent où sera éventuellement située la bâtisse permanente.
Quelles différences voulez-vous que les Québécois fassent entre Volvo et Polestar ?
Le positionnement des deux marques est différent, autant sur le plan du prix et du portfolio que sur le plan de l’ADN du produit. Oui, pour le moment, on partage des plateformes, mais ça ne sera plus le cas pour la 4 et la 5. Cela dit, même en utilisant aujourd’hui des plateformes disponibles dans le groupe, on en fait un produit Polestar qui est dynamique, sportif, performant. Une Volvo procure un sentiment différent, beaucoup plus axé sur le confort de la famille. Une Polestar 3 et une Volvo XC90 (même plateforme), ce sont deux animaux complètement différents.
Vous n’avez pas peur de jouer dans la fourchette de prix élevés ?
Pas du tout. Même que c’est ce qui nous distingue de Volvo et des concurrents. Nous avons confiance en notre produit. La disparition des incitatifs provoque une opportunité parce que la disparité de prix entre une marque grand public et les VÉ diminue. À prix égal, un VÉ de luxe se compare avantageusement. Partager