Comment les fourgonnettes ont changé ma vie – Par: John Arnone

Puisque j’ai fait mes débuts dans l’industrie automobile en 1985, il est plutôt normal de voir en 2018 des collègues prendre leur retraite. C’est le cas, par exemple, de John Arnone, directeur des relations publiques de Mitsubishi Canada, et de Pierre Langevin, directeur Québec et Maritimes pour Honda Canada. Ces deux personnes, devenus des amis, ont connu une brillante carrière et ils nous font l’honneur d’en partager avec nous quelques morceaux choisis. D’abord John, puis Pierre dans votre AutoMédia de mars. Messieurs, le micro est à vous. – Michel Crépault, éditeur

 

Ce n’est pas comme si j’avais déjà dirigé une équipe de soccer ou encore aspiré à conduire une navette pour l’aéroport, mais l’arrivée des fourgonnettes au Canada en 1984 (rappelez-vous : Aerostar, Astro, Caravan, Safari et Voyager) a déclenché une série d’événements qui aujourd’hui, 35 ans plus tard, me permet d’écrire cet article sur ma retraite.    

J’étais rédacteur en chef de magazine et j’avais reçu une information selon laquelle la GRC considérait activement l’option de remplacer certaines des Crown Victoria de son parc de berlines par, croyez-le ou non, des fourgonnettes. J’ai eu la chance de recevoir une formation classique de journaliste et, ce faisant, j’étais un bon recherchiste mais encore un meilleur rédacteur. Après une série d’entrevues et de vérifications, j’ai rédigé un article intitulé « Fourgonnettes considérées comme potentiels véhicules de police » (Minivans Being Evaluated as Cop Cars).

Bien entendu, ça n’est jamais arrivé, du moins, pas entièrement. Les fourgonnettes sont devenues des véhicules de soutien pour les forces de l’ordre, laissant les téméraires poursuites et le travail de patrouille aux anciennes Crown Victoria, et ce, jusqu’à tout récemment.

La plupart des histoires de cette nature sont reléguées aux oubliettes, mais celle-ci est restée… et a attiré l’attention des juges du concours « Journaliste automobile de l’année » (Automotive Journalist of the Year), commandité par Jaguar Canada sous l’égide de l’AJAC, l’Association des journalistes automobiles du Canada.

Et mon texte a gagné. De façon extrêmement inattendue (atteignant presque le niveau de stupéfaction créé par l’échange Subban-Weber des décennies plus tard), au cours d’une somptueuse remise de prix à l’hôtel King Edward de Toronto, le PDG de Jaguar, John Mackie, a annoncé mon nom et m’a demandé de m’avancer vers le podium. C’était en février 1987 et je venais d’avoir 26 ans : ce moment allait changer pour toujours la personne que j’étais et celle que j’allais devenir.

 

Deux choses m’ont frappé. D’abord, je n’en revenais pas d’être nommé meilleur journaliste automobile du Canada devant des géants tels que Jacques Rainville, Marc Lachapelle, Denis Duquet, Bob English, Dan Proudfoot, Jim Kenzie, Jacques Bienvenue, Tony Whitney, Ted Laturnus et, oui, Michel Crépault.

Ensuite, ce moment charnière de ma vie avait lieu dans la salle de bal du même hôtel où mon défunt père avait obtenu son premier emploi comme apprenti barbier en débarquant d’Italie en 1951.  

Après avoir reçu une poignée de main et un sourire du très élégant M. Mackie, je me suis approché du micro. J’ai remercié les juges ainsi que ma femme Tamara. J’ai évoqué des souvenirs de mon père et j’ai promis de faire don de mon prix de 1 000 $ au fonds de deuil pour les étudiants de la Ryerson University : je me disais qu’il était tout naturel pour moi de renflouer le fonds qui avait couvert mes droits de scolarité lorsque le décès prématuré de mon père avait plongé ma famille dans un tourbillon d’inquiétudes financières.

On m’a dit que Mme Mackie avait versé la première larme, suivie d’autres à la table d’honneur. Les larmes se sont mises à couler et, lorsque j’ai remarqué que les yeux verts irlandais de ma Tamara étaient mouillés, un raz-de-marée d’émotions avait été déclenché par mes paroles.

Quelques mois plus tard, mon trophée de journaliste de l’année légèrement recouvert de poussière, le téléphone sonnait pour m’offrir d’occuper la tête du service des relations publiques de Jaguar, lançant du même coup une carrière de 30 ans dans le domaine des communications d’entreprise.

« Vous êtes un excellent communicateur : ne laissez rien ni personne vous mettre des bâtons dans les roues », m’a dit M. Mackie. Il m’a également enseigné à faire preuve d’aplomb et, par des actions (et non par des mots), a toujours faire preuve de caractère et d’honnêteté en affaires. (Lorsque j’ai prononcé un discours à ses funérailles, en Angleterre, il y a deux ans, j’ai également mentionné la capacité de mon ami à trouver de l’humour dans pratiquement toutes les situations.)

Jaguar se résume en un amalgame de bois, de cuir et de design sensuel fait par une famille tissée serré de chefs comme M. Mackie, John Webb, Brian Green, René Lambert et Hector Séguin, ainsi que de légendes des concessionnaires comme Moe Segal, John Cox et André Laporte. Bien que des soucis quant à la qualité et que de tout nouveaux concurrents tels que Lexus et Infiniti nous eussent tenus occupés, ça a été là la meilleure des époques.  

Trois autres emplois ont suivi. J’ai été le premier employé de Jaguar à être transféré vers le nouveau propriétaire de l’entreprise, Ford, et j’ai occupé des postes à ses sièges sociaux canadiens et américains sur une période de plus de 12 ans. Mon mentor chez Ford a été le légendaire Tony Fredo, qui, tout comme moi, était un diplômé du programme en journalisme de la Ryerson University. Il m’a appris à aller au-delà du stéréotype (« nous ne sommes pas des conseillers en communications, nous sommes des faiseurs de nouvelles ») et à traiter les médias comme des partenaires d’affaires, et non comme des adversaires.

En dépit d’une position dominante du côté des camionnettes et de l’innovation, les activités mondiales de Ford ont connu des difficultés en 2007. La perte de mon emploi cette année-là est rapidement devenue une bénédiction pour moi : peu de temps après, j’ai été embauché au sein de la division aéronautique du géant canadien Bombardier afin de diriger les relations publiques pour ses affaires liées aux avions commerciaux. Mémorable et diversifié, ce poste m’a permis de faire passer harmonieusement mes compétences en communications stratégiques de l’automobile à l’aviation.

Pendant mon temps chez Bombardier, nous avons prêté un jet d’affaires Global Express à William Shatner pour le tournage de son documentaire de 2011, The Captains.

Bien que j’eusse été au centre de communications de crise avant ce jour-là (les pneus Firestone et les Ford Explorer en 2000), rien n’aurait pu me préparer à l’angoisse associée au vol 3407 de la Colgan Air, soit l’écrasement de l’avion Q400 au nord de l’État de New York ayant coûté la vie à 50 personnes innocentes, qui a accordé une attention de nature internationale à mon poste : « Un voile de tristesse s’est jeté sur notre entreprise », ai-je déclaré en direct devant les caméras rassemblées à l’extérieur de notre entrée principale en février 2009.

L’aviation, comme je l’ai vivement affirmé à ma Tamara et à ma fille Terra-Ann, devait être le dernier jalon de ma carrière. Mais, comme la vie nous réserve parfois des surprises, Mitsubishi est venue frapper à ma porte en 2012 pour me faire une offre que je ne pouvais pas refuser. Alors me voici, au crépuscule de ma carrière, de retour dans le monde chaleureux et familier de l’automobile, entouré de gens exceptionnels, incluant l’équipe du marketing dirigée par Peter Renz, mon amie Shauna Barker et, bien sûr, la magnifique Sophie Des Marais. Tony Laframboise est le premier PDG automobile canadien avec qui j’ai eu le plaisir de travailler.  

Pendant mes années aux commandes des relations publiques de Mitsubishi, plusieurs faits saillants me viennent en tête, mais le partenariat de notre entreprise avec le Club des petits déjeuners, qui œuvre partout au Canada et dont le siège social est à Boucherville, se classe parmi mes plus importantes réalisations.

En rétrospective, je suis satisfait de mes réalisations. J’ai fait de bons choix et je me suis attiré le respect de deux grandes industries. J’ai su toucher l’âme des autres, et ils ont su toucher la mienne. Mais, de façon encore plus importante, ma famille s’est épanouie, plus particulièrement ma fille, qui est une rédactrice, et ma nièce Annie Arnone, qui est reporter et photographe journalistique.

Et, après 35 ans, 450 voyages d’affaires, plus de 25 lancements de nouveaux véhicules et aéronefs, plusieurs centaines d’entrevues médiatiques et de citations publiées et un million de souvenirs, je peux véritablement dire que la parole et l’écriture (et peut-être l’arrivée de la fourgonnette!) m’ont permis de paver une longue, sinueuse et admirable carrière.  

Merci. Au revoir.  

John Arnone.

 

Deux observations de John: 

  • Voici comment je définis le rôle de praticien des relations publiques : cultiver, défendre, protéger et améliorer davantage la réputation d’une organisation, de ses employés, de ses produits et de ses services.
  • Journalisme automobile : profession qui était à la fois intemporelle et prévisible, et ce, jusqu’à ce que les médias numériques la transforment en un choix de carrière dynamique mais précaire. Les organisations médiatiques verticalement intégrées d’aujourd’hui ont décimé les salles de presse; la plupart des rédacteurs automobiles sont donc des pigistes et, dans la majorité des cas, le sont à temps partiel, à moins, bien sûr, de parvenir à trouver d’autres sources de revenus.

 

 

 

 

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