Le marché de détail de l’automobile au Canada a adopté un nouveau rythme, et on le ressent dans chaque salle d’exposition. Les clients continuent d’acheter, mais ils prennent plus de temps, comparent les options avec soin et se concentrent sur les paiements mensuels qui correspondent à leur budget. Cela reflète l’environnement actuel de l’accessibilité, où les taux d’intérêt diminuent progressivement, mais les coûts de possession et de réparation restent élevés. La période des ventes rapides, propulsées par l’offre, est derrière nous. Nous nous retrouvons dès à présent dans un marché où une exécution constante fait toute la différence. Les magasins qui réussissent aujourd’hui gèrent leur inventaire de manière efficace, fidélisent leurs clients de services et mènent des conversations claires sur les paiements et la propriété. Ceci n’est pas un ralentissement. Mais plutôt un retour vers un marché plus stable et réfléchi, où les fondamentaux comptent.

Ce texte a été rédigé par Étienne Demeules, CPA, Directeur financier et évaluations – Partenaire chez DSMA.

 

Taux d’intérêt : un soulagement progressif, mais pas un retour vers les conditions pré-Covid

La Banque du Canada a continué de réduire les taux d’intérêt, abaissant le taux directeur à 2,25 % après la réduction d’octobre. Cela offre un certain soulagement tant pour les clients que pour les concessions, avec des paiements mensuels qui diminuent progressivement et des dépenses liées aux plans de financement qui commencent à baisser par rapport aux niveaux observés au cours des deux dernières années.

L’inflation demeure persistante dans des secteurs qui ne réagissent pas rapidement à la baisse des taux, notamment dans l’assurance, pour les réparations de véhicules et pour d’autres services liés à la possession. En conséquence, la Banque a signalé que les prochaines baisses de taux seraient plus lentes et sélectives, et que les coûts d’emprunt sont peu susceptibles de revenir aux niveaux d’avant la pandémie. Une partie des avantages des taux plus bas est également compensée par les ajustements des tarifs et des chaînes d’approvisionnement affectant certains véhicules et pièces.

L’accessibilité s’améliore de manière régulière plutôt que brusque. Les clients continuent d’acheter, mais de manière plus réfléchie. Ils souhaitent avoir une clarté sur le paiement, la valeur de reprise, et le coût à long terme de la possession du véhicule. Pour les concessions, cet environnement récompense une communication transparente, une gestion stricte des véhicules d’occasion et des opérations de service solides.

 

Le budget fédéral 2025 : investissement à long terme, impact limité sur l’accessibilité à court terme

Le budget fédéral de 2025 prévoit un déficit d’environ 78 milliards de dollars pour l’exercice 2025-26, avec des déficits annuels qui devraient rester au-dessus de 50 milliards de dollars vers la fin de la décennie. Le budget se positionne comme un plan d’investissement et d’infrastructure, incluant des mesures permettant aux entreprises admissibles de récupérer plus rapidement certains coûts d’investissement en capital. Ces mesures ont le potentiel de soutenir la productivité et la capacité industrielle à long terme. Cependant, ces avantages se déploieront progressivement, et le budget ne prévoit pas de soulagement immédiat significatif en matière d’accessibilité pour les acheteurs de véhicules.

Toutefois, le gouvernement prévoit une croissance économique réelle de seulement 1 à 1,5 % au cours des prochaines années, ce qui est inférieur au taux d’intérêt effectif que le Canada paie sur sa dette. Lorsque les coûts d’emprunt dépassent la croissance, il devient plus difficile de financer de nouvelles dépenses ou d’introduire un soutien ciblé à l’accessibilité. Les coûts de service de la dette publique sont déjà d’environ 50 milliards de dollars par an et devraient augmenter, ce qui limite encore la marge de manœuvre fiscale. Des déficits soutenus plus élevés augmentent également le risque d’évincer l’investissement privé, ce qui pourrait influencer la planification des investissements des manufacturiers (OEM) et les calendriers d’investissement dans les installations des concessionnaires si les coûts d’emprunt restent élevés.

L’accessibilité à court terme des consommateurs continuera d’être principalement déterminée par les taux de financement, la valeur de reprise et les coûts de possession, plutôt que par la politique fiscale.

 

Comportement des consommateurs :  demande constante, décisions plus délibérées

Les clients sont toujours actifs sur le marché, mais ils prennent leurs décisions d’achat de manière plus réfléchie. Ils se concentrent sur trois éléments : le paiement mensuel, la véritable valeur de reprise, et le coût à long terme pour entretenir et assurer le véhicule.

Si la concession mène la conversation avec une structure de paiement claire, une évaluation transparente de la reprise, et une discussion réaliste sur les coûts de possession, le processus décisionnel devient plus simple. Les clients réagissent positivement à la clarté et à la préparation. Le prix demeure important, mais les clients veulent avoir la certitude que le paiement restera confortable à long terme. Leur permettre de voir cela clairement est ce qui fait avancer la décision.

 

Performance du concessionnaire : l’exécution est l’avantage concurrentiel

Les concessionnaires qui réussissent le mieux sont ceux qui exécutent de manière constante au quotidien. Fidéliser les clients de service et planifier les travaux de façon prévisible permet de maintenir des revenus stables même lorsque les ventes variables fluctuent. Aligner l’inventaire sur la demande locale réelle aide à contrôler l’exposition au plan de financement tout en soutenant la performance des ventes.

Nous prévoyons que l’écart de performance entre les concessionnaires se creusera au cours de l’année à venir. Avec des coûts d’assurance, de réparation et de main-d’œuvre toujours élevés, les magasins qui maintiennent une discipline dans la gestion de leur inventaire et de leur flux de travail de service continueront de surpasser ceux qui comptent sur le volume ou des tactiques à court terme. L’opportunité est là, mais elle se saisit par la cohérence.

 

Activité de fusion et acquisition : intérêt stable, évaluation plus sélective

L’activité d’acquisition de concessions demeure stable, bien que les critères d’évaluation aient évolués. Les acheteurs accordent désormais plus d’importance à la performance des bénéfices soutenue, à la continuité de la direction, à la fidélisation du service et à la cohérence opérationnelle. De nombreux vendeurs font encore référence aux bénéfices élevés observés pendant la période de contraintes d’approvisionnement en 2021 et 2022 lorsqu’ils forment leurs attentes en matière de valorisation. Cependant, les acheteurs basent leurs évaluations sur les bénéfices des deux dernières années, qui reflètent mieux les conditions du marché actuel.

Les acheteurs souscrivent également à des hypothèses de croissance plus modestes et stables. Cette approche est renforcée par la trajectoire graduelle des taux de la Banque du Canada et les projections fiscales fédérales qui signalent un soutien limité à court terme pour la consommation. Le potentiel de croissance existe encore, mais il devient de plus en plus spécifique à chaque concession et dépend de la capacité de celui-ci à exécuter de manière constante au fil du temps. Les acheteurs accordent une attention particulière aux concessions ayant une forte capacité de service et une stabilité des techniciens, car ces facteurs soutiennent des bénéfices prévisibles et la fidélisation des clients après une transition.

Les concessions avec des performances constantes continuent de bénéficier de valorisations solides. Ceux avec plus de variabilité voient leurs délais de diligence prolongés et leurs termes d’accords davantage structurés. Les acheteurs évaluent la performance en fonction des bénéfices et de la structure des coûts de l’environnement actuel, plutôt qu’en fonction des conditions de pointe temporaire de 2021 et 2022.

 

Chemin à parcourir

Le marché canadien de la vente au détail d’automobiles s’est largement normalisé après la perturbation liée à la pandémie et la période de reprise post-COVID. Nous sommes désormais dans une phase différente du cycle, où les conditions de marché passées ne s’appliquent plus de la même manière. La demande est stable, mais les décisions sont plus réfléchies. La performance des concessionnaires dépendra moins des fluctuations du marché et davantage de l’exécution constante.

Notre expérience en matière de performance des concessionnaires et de transactions continue de montrer que les opérateurs disciplinés surpassent dans des marchés comme celui-ci. Les concessionnaires qui se concentrent sur la clarté, la discipline d’inventaire, les relations clients et la fidélisation du service continueront de performer fortement et de créer de la valeur durable.

[Cette analyse intègre des données publiques disponibles de la Banque du Canada, de Statistique Canada et des Perspectives économiques et fiscales du budget fédéral 2025. Les observations du marché reflètent les tendances agrégées de performance des concessions à travers plusieurs marques de manufacturiers (OEM) canadiens.] Partager