AutoCanada abandonne AutoHebdo : Remise en question des marketplaces

Ce printemps, on apprenait qu’AutoCanada abandonnait les services proposés par AutoHebdo. Cette nouvelle a eu l’effet d’une bombe dans l’industrie des concessionnaires au pays alors que certains remettent en question, à leur tour, la pertinence des marketplaces traditionnelles.
D’après des informations rendues publiques par Automotive News Canada, AutoCanada regroupe pas moins de 64 concessionnaires de véhicules neufs ainsi que trois détaillants de véhicules d’occasion d’un océan à l’autre. Annuellement, AutoCanada ne verse rien de moins que 15 M$ à AutoHebdo pour afficher environ 18 000 véhicules.
À la suite de cette annonce qui a semé l’émoi chez les concessionnaires d’ici, AutoMédia a recueilli les réactions sur le terrain. Nous nous sommes notamment entretenus avec Luc Morin (vice-président des ventes pour AutoHebdo), Martin Taillandier (copropriétaire BMW – MINI Montréal Centre, membre du groupe de concessionnaires AutoCanada), Mathieu Pothier (propriétaire d’Acura Trois-Rivières), Mathieu Veilleux-Turgeon (gestionnaire des ventes pour CarGurus) ainsi que le directeur général d’une concession de la grande région métropolitaine ayant requis l’anonymat.
Les réactions à chaud des gens de l’industrie
D’emblée, M. Morin, d’AutoHebdo, a tenu à préciser les faits en mentionnant que « si elle a suspendu ses initiatives de marketing sur notre marketplace en ligne, AutoCanada continue de se procurer nos produits et services, et demeure un client très apprécié ».
Invité à partager sa première impression lorsqu’il a appris la nouvelle au cours des dernières semaines, M. Pothier a confié « ne pas avoir été étonné du tout ». De son côté, notre intervenant anonyme a affirmé que la surprise était mélangée à l’admiration en ce qui le concerne. « J’étais surpris qu’un groupe ait le courage de prendre une décision que beaucoup aimeraient prendre. Au Québec, le groupe Beaucage a été un pionnier en se passant d’AutoTrader. Voir un autre groupe important leur emboîter le pas est un signal fort », a-t-il ajouté.*
*Une précédente version du texte incluait une citation d’un collaborateur qui mentionnait qu’Albi ne faisait plus affaires avec Trader. Ces propos étaient erronés puisque Albi utilise plusieurs services de Trader dont leur marketplace.
Pourquoi certains concessionnaires ne font-ils plus appel à AutoHebdo ?
Ne se servant plus de la plateforme AutoHebdo depuis plusieurs années, M. Pothier préfère concentrer son énergie et ses ressources financières sur des plateformes telles que CarGurus, Otogo et même Facebook Marketplace en priorisant le site Internet principal de son concessionnaire bien établi en Mauricie. Ce sont principalement des motifs financiers qui l’incitent à ne plus faire appel à AutoHebdo dans les activités courantes de son entreprise. « Ils sont rendus avec des plans abusifs. Tu as très peu de succès si tu n’utilises pas leur système d’annonces prioritaires, qui devient un peu frustrant pour le consommateur. » M. Pothier mentionne qu’il a pris des initiatives afin d’accroître sa visibilité sur les réseaux sociaux et ainsi diversifier son bassin d’acheteurs et de sympathisants.
Invité à expliquer les raisons pour lesquelles des concessionnaires ne feraient plus appel à AutoHebdo, Martin Taillandier abonde dans le même sens et évoque le facteur financier à son tour. « Le prix devient exorbitant et nous sommes à un point de rupture, étant donné que le prix demandé efface le bénéfice d’afficher sur un site comme AutoHebdo », avance celui qui est à la tête des concessions BMW et MINI sur la rue Jean-Talon à Montréal.
Lors de nos échanges avec notre intervenant anonyme, qui gère une concession dans le Grand Montréal, l’aspect financier a de nouveau été soulevé lorsqu’il a été question du désintérêt des concessionnaires de notre province envers AutoHebdo. « Les coûts d’abonnement augmentent constamment, année après année, sans que cela s’accompagne nécessairement d’une valeur ajoutée proportionnelle », raconte-t-il. Dans son cas, il va plus loin : « Je doute de la valeur ajoutée des marketplaces au Québec, en particulier depuis l’essor de Facebook Marketplace malgré ses limites en matière d’ergonomie et de pertinence des recherches. »
Quant à Mathieu Veilleux-Turgeon, gestionnaire des ventes pour CarGurus, il avance l’hypothèse selon laquelle « parfois, les concessionnaires n’intègrent pas complètement la marketplace à leur processus de vente, ce qui entraîne un mauvais suivi et une sous-performance ».
La pertinence d’utiliser AutoHebdo en 2025
Après cette polémique dans l’univers des concessionnaires au pays, M. Morin, qui occupe un rôle à la vice-présidence d’AutoHebdo, a tenu à rappeler qu’en « investissant stratégiquement nos efforts dans les médias, la technologie et l’innovation, notamment l’intelligence artificielle (IA), AutoHebdo arrive à attirer l’attention des acheteurs canadiens les plus sérieux et motivés sur la marketplace et sur les annonces de nos concessionnaires ». Il avance aussi une donnée fournie par Comscore selon laquelle « 77 % des acheteurs ne visitent aucune autre marketplace en ligne en dehors d’AutoHebdo.net ».
De son côté, Mathieu Pothier est critique à l’égard d’AutoHebdo. Il croit « que cette compagnie devrait faire preuve d’humilité, revoir sa mise en marché, revoir son positionnement stratégique et adapter sa tarification en fonction de la valeur apportée au concessionnaire ». Il vante également la force du réseau de la marque qu’il représente. « Le réseau Acura détient 80 % des véhicules Acura disponibles sur le marché. Est-ce que j’ai vraiment besoin d’une plateforme pour montrer ça ? », précise-t-il. La question se pose. Ainsi, on peut très bien imaginer que le consommateur en quête d’un véhicule d’occasion de marque Acura aura accès à une majorité des véhicules disponibles en épluchant le site des concessionnaires de sa région.
Quant à M. Taillandier, il pense que « nous sommes à un tournant avec l’intelligence artificielle. Le modèle traditionnel de la marketplace est appelé à disparaître ». Notre source anonyme a plutôt fait référence à AutoHebdo comme étant un « mal nécessaire » pour lui et ses confrères dans l’automobile. « La crainte de perdre des prospects dissuade de nombreux dirigeants d’abandonner cette plateforme », révèle-t-il.
Évidemment, des alternatives à AutoHebdo existent. C’est le cas notamment de CarGurus. Son gestionnaire des ventes souligne que sa plateforme se distingue par son « VMI (valeur marchande instantanée), qui est un élément unique, tout comme le fait que les annonces sont organiques, ce qui permet aux acheteurs de trouver plus rapidement les meilleurs véhicules sur le marché ».
D’une part, nous constatons un désintérêt de certains concessionnaires envers les marketplaces traditionnelles comme AutoHebdo. Une portion d’entre eux a l’ambition de concevoir de nouvelles stratégies en faisant appel aux réseaux sociaux ou encore à l’intelligence artificielle. D’autre part, AutoHebdo persiste et, au moyen de données probantes, démontre sa pertinence en plus de faire valoir sa notoriété auprès de sa clientèle, qu’elle rejoint depuis 50 ans. Partager