Ventes de concessions automobiles : les frontières tombent !

Kerrigan Advisors est l’un des principaux courtiers qui supervise la vente et l’achat de concessions automobiles aux États-Unis. Depuis 2015, l’entreprise a participé à la vente de plus de 60 établissements, dont quatre des 100 plus importants groupes de concessions américains.

Il se trouve qu’Erin Kerrigan, fondatrice et directrice générale, a réalisé quelques transactions au Canada et cherche à en conclure d’autres. Par exemple, elle a supervisé la vente d’une importante concession Mercedes-Benz à Edmonton et travaille actuellement sur deux transactions aux États-Unis dans lesquelles les acheteurs sont canadiens.

« Nous pensons qu’il y aura beaucoup plus de transactions transfrontalières, a déclaré Erin Kerrigan. Non seulement verrons-nous plus de concessionnaires canadiens acheter des concessions aux États-Unis, et vice-versa, mais aussi au-delà de l’Amérique du Nord. »

Nous pensons qu’il y aura beaucoup plus de transactions transfrontalières – Erin Kerrigan.

 Voir tous les achats et les ventes de concessionnaires au Québec en 2017 ici. 

 

Un bon barmètre

Kerrigan croit que l’un des meilleurs indices pour les prix de vente est relié aux entreprises publiques (voir aussi en l’opinion de Maxime Théorêt d’AutoCap).

« Nous savons exactement à quel point elles se négocient et combien elles valent, dit-elle. Bien qu’elles représentent une plus petite partie des concessions, tant au Canada qu’aux États-Unis, elles sont souvent les plus grandes entreprises de notre industrie. Leurs valeurs sont certainement un bon baromètre de la santé et des performances, actuelles et futures. »

Kerrigan a souligné que les sept détaillants automobiles américains cotés en bourse ont augmenté leur valeur de 784 % depuis 2009 en fonction d’un indice de performance que son entreprise utilise. « Avec ce genre de hausse, personne ne devrait être surpris que nous ayons un marché très actif de fusions et d’acquisitions aux États-Unis parce que les marchands privés américains ont vu leurs propres évaluations monter également en flèche pendant cette même période, et une situation similaire se produit au Canada ».

Selon la conférencière, AutoCanada, le seul détaillant d’automobiles public du pays, a vu sa valeur boursière augmenter d’environ 700 % depuis 2010. « Même avec les fluctuations de 2014 et de 2015, il y a encore une progression de 700 %. En fait, AutoCanada se négocie au plus haut multiple d’évaluation sur les marchés nord-américains. Nous ne sommes pas surpris car les concessions canadiennes changent de main à une valeur plus élevée que leurs contreparties américaines. »

« C’est en partie la raison pour laquelle nous voyons plus de concessionnaires canadiens venir nous dire qu’ils sont intéressés à investir aux États-Unis, a-t-elle ajouté. Pour qu’un marché soit actif, vous devez certainement avoir des acheteurs et des vendeurs motivés. »

Les concessions canadiennes changent de main à une valeur plus élevée que leurs contreparties américaines.

 

Un futur incertain

Erin Kerrigan croit que des vendeurs cherchent à capitaliser sur les valeurs élevées actuelles car ils entrevoient un certain risque par rapport à leur rentabilité future. Certains de ces vendeurs estiment sans doute qu’il ne pourra jamais se vendre plus de voitures qu’il ne s’en vend aujourd’hui.

« Si nous sommes au sommet des ventes de voitures, cette situation en inquiète certains au plan des profits. Après tout, les gains au Canada dans la vente au détail d’automobiles ont été incroyablement élevés. Depuis 2003, le taux de croissance annuel composé de l’industrie est presqu’à 12 %. C’est assez inhabituel. Il n’est donc pas surprenant que des marchands se demandent combien de temps cette situation pourra continuer. »

Si nous sommes au sommet des ventes de voitures, cette situation en inquiète certains au plan des profits.

« Il est intéressant de noter que le premier signe qu’une croissance plafonne, c’est quand les marges commencent à baisser. Pour nous aux États-Unis, le premier indicateur a effectivement été la diminution de nos marges. Et en 2017, les bénéfices ont baissé également, pas énormément mais un peu. Selon nous, c’est ce qui se passe au Canada également. »

Cette situation serait suffisante pour en inciter quelques-uns à vouloir quitter l’industrie maintenant et, tant qu’à y être, le faire à une période où on peut vendre au plus haut prix. Ceux qui pensent ainsi ne sont pas vraiment prêts à se farcir un autre cycle économique… et ils veulent empocher le plus d’argent possible.

 

Le transport alternatif

Un autre facteur joue sur le marché des transactions des concessions automobiles, un facteur qui lui aussi inquiète certains vendeurs : la tendance au transport alternatif (hybride, électrique, hydrogène, autopartage, alouette !).

« Les consommateurs sont des gens économiquement rationnels qui vont changer le modèle d’affaires des concessionnaires. Si ceux-ci envisagent de léguer leur concession à leur relève, ils sont un peu nerveux de leur transmettre une entreprise en pleine mutation. Au Canada, c’est encore plus frappant parce que les consommateurs canadiens sont encore plus ouverts aux différents groupes motopropulseurs et aux entreprises en démarrage qui leur offrent ces innovations alternatives. De plus, la protection des lois américaines sur les franchises, qui protègent les concessionnaires américains pendant une plus longue période, ne s’applique pas au Canada. »

Les consommateurs sont des gens économiquement rationnels qui vont changer le modèle d’affaires des concessionnaires.

 

La bâtisse aussi

Mme Kerrigan signale aussi que de plus en plus de vendeurs cèdent leurs biens immobiliers en même temps que leur franchise. « C’est une véritable rupture avec la tradition. Généralement, les concessionnaires aiment vendre leur concession mais garder l’immobilier et ainsi percevoir des chèques de loyer et profiter de ce revenu mensuel en laissant l’acheteur gérer l’entreprise. Mais on en voit de plus en plus aujourd’hui qui se disent « tant qu’à sortir, aussi bien sortir complètement ! » ».

La dernière tendance parmi les concessionnaires est de s’associer à un partenaire financier en raison du coût élevé de la croissance, que ce soit en position minoritaire ou majoritaire. « Les constructeurs au Canada et aux États-Unis sont ouverts à ce changement, a expliqué Erin Kerrigan

« Nous pensons d’ailleurs que 2018 sera marquante à cet égard, que nous verrons beaucoup plus de ces investisseurs arriver sur le marché. Notre compagnie reçoit littéralement un appel à toutes les deux semaines d’une société d’investissement privée nous demandant comment elles peuvent obtenir une visibilité dans l’industrie de la vente au détail d’automobiles. »

Notre compagnie reçoit littéralement un appel à toutes les deux semaines d’une société d’investissement privée nous demandant comment elles peuvent obtenir une visibilité dans l’industrie de la vente au détail d’automobiles.

 

Les groupes

Plusieurs acheteurs ont l’impression que c’est le bon temps pour conclure une bonne affaire car ils se préoccupent de consolidation. « Le fait est que votre industrie est le commerce de détail la plus fragmenté du continent. En ce sens, il existe un énorme potentiel de consolidation. »

« Selon nos recherches, 70 % des concessionnaires au Canada appartiennent à de petits groupes ou à des propriétaires uniques (ndlr : avec sa compilation de tous les groupes opérant au Québec – voir numéro de septembre 2017 – AutoMédia peut préciser que les groupes de 2 et 3 concessions additionnés aux propriétaires solos représentent 47.6% des 835 établissements recensés au Québec).

« Les acheteurs voient un environnement de risque ciblé se développer. Il y a des avantages à la consolidation, surtout des économies d’échelle, mais ce ne sont pas seulement ces dernières qui motivent les acheteurs. Quand on arrive à une certaine taille, vous avez une vision très stratégique de la manière que vous voulez investir votre capital, comment vous allez capitaliser sur le changement qui s’en vient et comment vous allez vous y prendre pour rendre votre stratégie encore plus fructueuse. »

Selon nos recherches, 70 % des concessionnaires au Canada appartiennent à de petits groupes ou à des propriétaires uniques. Le ratio est de pratiquement 50% au Québec.

 

Les intérêts des acheteurs

La plupart des acheteurs sont moins obsédés par le nouveau cycle d’un véhicule que dans le passé. « Plutôt, ils adorent la partie la moins « sexy » de votre entreprise, annonce Erin Kerrigan. Ils aiment en effet les véhicules d’occasion qui ont vu leur marché doubler ; ils aiment les opérations fixes, qui sont quasiment cinq fois et demi plus élevées dans le marché du gros. Étant donné que ces opérations progressent à un bon niveau de 5 %, même avec un plafonnement potentiel des ventes au Canada et aux États-Unis, les acheteurs se tournent vers votre industrie. »

Ils aiment en effet les véhicules d’occasion qui ont vu leur marché doubler ; ils aiment les opérations fixes, qui sont quasiment cinq fois et demi plus élevées dans le marché du gros.

Et comment passer sous silence le « financement incroyable » que ces acheteurs peuvent obtenir auprès des banques. « Le financement pour les acheteurs en ce moment est extrêmement attrayant, a dit Kerrigan. Il représente moins de 50 % de l’achalandage (goodwill), ce qui était inédit au Canada il y a une dizaine d’années. Lorsque votre chèque d’équité est plus petit, vous êtes disposé à payer plus, vous êtes excité d’être un investisseur et de respecter le prix d’un vendeur. »

En guise de conclusion, la courtière a offert deux citations à l’assemblée. La première vient du financier Warren Buffet : la diversification est pour les gens qui ne savent pas ce qu’ils font. « Comme les concessionnaires automobiles savent généralement ce qu’ils font, vous pouvez comprendre pourquoi ils décident de réinvestir leurs gains en capital dans l’industrie. Cela est très judicieux sur le plan économique. »

La diversification est pour les gens qui ne savent pas ce qu’ils font – Warren Buffet.

Puis elle a cité Wayne Gretzky : « Je patine là où s’en va la rondelle et non pas où elle se trouve ». Erin Kerrigan trouve que ce brin de sagesse s’applique parfaitement à la vente d’automobiles. « Les vendeurs intelligents se tournent vers l’avenir pour déterminer si le moment est venu pour leur famille de quitter l’industrie, tandis que les acheteurs astucieux étudient les changements attendus sur le marché afin de déterminer le meilleur endroit pour investir leur capital. Dans les deux cas, tout tourne autour de l’avenir plutôt que ce qui se passe dans le présent. En somme, gardez un œil sur la direction de la rondelle car c’est là que les choses se passeront. »

Puis elle a cité Wayne Gretzky : « Je patine là où s’en va la rondelle et non pas où elle se trouve ».

 

 Voir tous les achats et les ventes de concessionnaires au Québec en 2017 ici. 

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