TalkAUTO 2019

TalkAUTO 2019 et le data : l’or d’aujourd’hui… et de demain

Pendant qu’il y en a qui se demandent si les concessionnaires automobiles ont un avenir, d’autres s’attaquent justement à ce futur (pas si lointain !) pour y dégoter des occasions – d’affaires et de faire autrement. L’arme de prédilection ? Le data – les données. 

 

La 8e Conférence TalkAuto s’est déroulée en novembre à l’Universal Eventspace, à Vaughan en banlieue de Toronto. Cette messe annuelle, organisée par J.D. Power et Canadian Black Book, est devenue au fil des années un incontournable pour les concessionnaires automobiles au pays. 

Pardonnez mon enthousiasme, mais la qualité des conférenciers, des participants, du réseautage qui en découle, de même que l’événement dans son ensemble en font une journée qui vaut son pesant d’or… bien que la conférence soit gratuite.

C’est donc sans surprise que la salle affichait complet pour cette copie presque carbone de la formule bien exécutée de l’an dernier.

Cette année, le point central d’à peu près tous les discours des invités et des discussions des panélistes a porté sur une thématique bien précise : le data – les données. 

 

La question qui tue

Mais d’abord, débarrassons-nous de l’éléphant dans la pièce et posons-la, la question qui tue : est-ce que la concession automobile est en voie de disparition ?

Non, a affirmé le nouveau président de la Canadian Automobile Dealers Association (CADA), Tim A. Reuss : « Nous prévoyons que les concessionnaires franchisés de voitures et de camions neufs continueront de jouer un rôle important, quoique différent, dans l’écosystème de la vente au détail des véhicules automobiles. »

Et justement, cet ancien président de Mercedes-Benz Canada (2011-2015) ayant succédé à John White en septembre dernier à la tête de la CADA, a énuméré les changements qui, de toute évidence, sont déjà en train d’affecter les concessionnaires : 

  • On ne s’en sort pas : le commerce de détail automobile de 2030 ne ressemblera en rien à celui d’aujourd’hui;
  • Les concessionnaires devront maîtriser leur part de marché dans leurs marchés locaux; 
  • Les constructeurs et les concessionnaires vont devoir développer et livrer l’expérience que demandent les consommateurs dans un environnement qui est toujours en mouvement;
  • Les concessionnaires devront à leur tour agir rapidement pour (bien) suivre le rythme des véhicules électriques, partagés, connectés et autonomes – des technologies qui auront toutes un impact certain sur leurs opérations, leurs affaires et… leur rentabilité.

 

Des sources de revenus « connectées »

Lors de sa conférence, M. Reuss a particulièrement insisté sur l’inévitable évolution des sources de revenus des concessionnaires – des sources qui, à première vue, semblent intangibles.  

On pense par exemple aux mises à jour et aux rappels de logiciels qui peuvent (déjà) se faire en mode OTA – Over The Air. Idem pour les améliorations à distance de la performance des véhicules électriques, pour les téléchargements de nouveaux contenus, voire l’envoi électronique d’offres de marketing.

Vous avez bien lu : des offres de location, de financement et combien d’autres propositions feront de plus en plus partie du Service à l’auto 2.0. Voici comment l’a expliqué Derek Sloan, président de Sym-Tech Dealer Services, la branche « garantie » du groupe Amynta, lors du panel sur le F&A :

« Imaginez un client qui conduit un véhicule en fin de garantie; une simple alerte numérique, directement dans l’habitacle automobile, pourrait lui proposer une garantie prolongée. Et en quelques clics, la chose pourrait être réglée ! » 

 

Tim A. Reuss, président de la Canadian Automobile Dealers Association (CADA)
Tim A. Reuss, président de la Canadian Automobile Dealers Association (CADA)

Traiter le data comme de l’or – dès maintenant

Toutes ces possibilités de demain viennent avec des responsabilités, pour ne pas dire des obligations, en ce qui a trait à la propriété, au contrôle et à l’utilisation des données. Et, toujours selon le président de la CADA, l’architecture de ces nouvelles sources de revenus et de profits est en train d’être créée – aujourd’hui même. 

Du coup, M. Reuss intime les concessionnaires de considérer, dès maintenant, certains des points suivants :

  • À qui appartiennent les données de leur DMS ? Sont-ils en mesure d’y accéder comme bon leur semble ou doivent-ils payer des frais d’accès/connexion ? (À cet égard, M. Reuss rappelle que plusieurs États américains ont légiféré sur la chose devant les tribunaux – voir les exemples à automedia.ca/Talkauto2019)
  • Est-ce que leur constructeur automobile propose des accords de partage de données ?
  • Où sont stockées les données ? Est-ce qu’un plan d’action en cas de perte ou de vol de ces données a été mis en place – et testé ? 

Le nouveau dirigeant de la CADA a conclu le plus simplement, mais le plus directement du monde : le data représente l’or d’aujourd’hui et les concessionnaires se doivent de le traiter de cette façon.

 

Et c’est rien qu’un début…

Pour ceux qui doutent encore que les données colligées dans et par nos automobiles vont influer sur le cours – et l’avenir – des concessionnaires, les organisateurs de TalkAuto 2019 ont invité comme conférencière Mme Teresa Scassa, membre de la Chaire de recherche du Canada en politiques et droit de l’information, par ailleurs professeure à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa.

Celle qui est docteure en droit de l’information et membre du Comité consultatif externe du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a d’abord lancé : « Nous vivons dans une économie de données. Tout ce que nous faisons produit du data – et ce data a une valeur astronomique. »

Puis, tenant compte de l’aspect automobile de la conférence, elle a élaboré sur ces trois points : 

 

Nos voitures en dévoilent plus qu’imaginé

Les véhicules sont une source incroyable de données – davantage qu’on ne peut l’imaginer. De plus en plus connectés, ils généreront encore plus de data avec l’émergence de nouvelles technologies et, éventuellement, l’arrivée des véhicules autonomes.

Au-delà des performances d’un véhicule, de sa localisation et des accidents dans lesquels il peut être impliqué, il y a toutes ces données sur le conducteur et sur ses passagers, qui vont de leurs informations de voyage à leur utilisation du système d’infodivertissement, en passant par leurs communications et même leurs comportements.

En tant que tel, le véhicule peut lui aussi renseigner sur les conditions routières, météorologiques et environnementales, voire sur celles de la circulation et sur les modèles de trafic. 

 

Tout le monde va s’y intéresser, alors faites-le donc

Tout le monde va un jour ou l’autre s’intéresser – s’il ne le fait pas déjà – aux données recueillies par les véhicules. On pense évidemment aux constructeurs qui les fabriquent et aux compagnies qui les assurent, mais Mme Scassa ajoute à la liste les compagnies de télécommunications, les entreprises de location de véhicules, les ateliers de réparation, les agences de marketing, les créateurs de nouveaux produits ou de services dérivés. 

Au-delà du secteur privé, le secteur public sera également fortement intéressé – encore une fois, s’il ne l’est pas déjà. Cette fois, on n’a qu’à penser aux ministères concernés par le transport et la sécurité routière, de même qu’aux organismes provinciaux ou municipaux responsables de l’entretien des infrastructures, de la circulation, du transit, de la planification urbaine, des enquêtes après accident… alouette.

 

Des ramifications jusque dans les portefeuilles

On le sait, la collecte des données automobiles montre déjà ses ramifications auprès des conducteurs; on n’a qu’à penser aux assureurs qui « proposent » des boîtes noires enregistrant la conduite, en échange de « rabais » sur les primes. 

Mais les impacts financiers n’ont pas fini de croître, soutient Mme Scassa, et ils le feront jusqu’aux garanties, voire aux cotes de crédit, ou sur les prix offerts aux consommateurs. 

Mme Teresa Scassa, membre de la Chaire de recherche du Canada en politiques et droit de l’information, par ailleurs professeure à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa.
Mme Teresa Scassa, membre de la Chaire de recherche du Canada en politiques et droit de l’information, par ailleurs professeure à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa.

 

Alors, ce data : il appartient à qui ? 

Voilà la question à mille piastres… et même la docteure en la matière, probablement l’une des personnes les mieux placées au pays pour en parler, admet qu’il n’y a pas de réponse simple.

Ceux qui tentent de trouver une réponse vont discourir de données confidentielles ou de copyright, d’autres vont avancer le contrôle des accès, des serveurs par exemple. Certains préfèrent envisager l’angle des intérêts – mais alors, est-ce qu’on parle d’intérêt public ? Gouvernemental ? Pour le bien de la communauté ? Et le droit à la vie privée, dans tout ça ?

Comme l’universitaire l’a dit, redit et encore répété lors de sa prestation au TalkAuto 2019, les lois sont non seulement complexes, elles portent à confusion. Et pour le moment, personne n’a vraiment de réponse claire à donner… 

…sauf pour affirmer que la prochaine ère sera celle des données. Les données comme on les connaît aujourd’hui, mais aussi les nouvelles qui déboucheront sur d’autres applications et d’autres utilisations qui, à leur tour, livreront encore plus de données.

C’est dans « l’or » du temps… 

 

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