Partenaire de Nissan et Renault: Le nouveau souffle de Mitsubishi

Quand Michelle Lee-Gracey, directrice des relations publiques de Ventes de véhicules Mitsubishi du Canada (VVMC), a invité AutoMédia a rencontré deux dirigeants mondiaux de Mitsubishi Motors Corporation (MMC) en compagnie de Tony Laframboise, président et chef de la direction de VVMC, nous avons accouru.

Autour d’une table ronde organisée le 26 juin à Whistler, en C.-B., juste avant le début d’un meeting national avec les concessionnaires canadiens, nous nous sommes donc entretenus avec Trevor Mann, directeur des opérations, et  Guillaume Cartier, v.-p. sénior Marketing & Ventes

En novembre 2016, Mitsubishi a rejoint l’alliance Renault-Nissan, elle-même née en 1999. À ce moment-là, Carlos Ghosn, le grand manitou de l’Alliance, a demandé à son vieil ami Trevor Mann de délaisser Nissan pour superviser le renouveau de Mitsubishi. Son mandat : s’assurer que le nouveau membre de l’Alliance devienne un joueur substantiel.

« Pour y arriver, explique M. Mann, Mitsubishi a dévoilé en 2017 un « mid-term plan » baptisé « Drive for Growth ». Selon ce plan, d’ici 2019, les revenus de la compagnie augmenteront de plus de 30% et dégageront une marge de profit de 6%. Les résultats à date ? Dès la fin de 2017, le volume d’affaires a gagné 19% et le nombre de véhicules vendus est passé à 1,1 million versus 928 000 en 2016. D’ici la fin de 2018, nous prévoyons 1,25 million. Nous sommes donc en bonne posture pour ramener la compagnie vers une saine profitabilité. 

Le Canada fait sa part : gain de 9,2% en 2017 et de 20% à date en 2018 (grâce au Outlander PHEV et au Eclipse Cross).

« Notre profit de 4,4% l’an dernier a été plus faible que le 6% de 2016 mais c’est parce que nous investissons de grosses sommes dans le capital, les dépenses et le R&D. De 2017 à 2019, je vais dépenser 1,5 milliard de plus que ce que Mitsubishi a dépensé entre 2014 et 2016. Nous investissons massivement dans notre gamme de produits futurs. »

 

L’Alliance a un plan de 5 ans (jusqu’en 2022) mais Mitsubishi en a un de 3 ans. Pourquoi ?

Trevor Mann : Mitsubishi a traversé une crise (ndlr : pendant plus de 20 ans, Mitsubishi a floué les Japonais sur la consommation d’essence de 625 000 petits véhicules Kei. Les ventes de la marque ont chuté de moitié, sans parler de sa réputation). Nous avons besoin de nous en remettre rapidement et de solidifier nos fondations. Si on établissait un plan de 5-6 ans sur des fondations faibles, il s’effondrerait. D’où notre plan à moyen terme de 3 ans. Si nous sommes fructueux, les probabilités sont que le prochain plan s’échelonnera sur 6 ans. Je sais que c’est un peu mêlant… Chaque compagnie (de l’Alliance) a un plan moyen et même l’Alliance en a un. Ce dernier vise surtout les technologies. Lesquelles allons-nous utiliser ? Quelles plateformes ? Comment allons-nous les partager à travers l’Alliance ? Pour réaliser la prédiction de Carlos Goshn selon laquelle l’Alliance en 2022 aura neuf millions de véhicules partageant les mêmes plateformes, 70% partageant les mêmes moteurs, etc.

Le premier véhicule Mitsubishi qui profitera d’une plateforme de l’Alliance sera le nouvel Outlander. Est-ce à dire que l’Eclipse Cross est le « dernier Mitsubishi » ? C’est stupide ! Nous serons toujours Mitsubishi. Nous sommes et nous serons une marque qui sait ce que nos clients attendent de nous. De sorte que même si le nouveau Outlander utilise une plateforme commune, la suspension aura un réglage distinct, tout comme le moteur. Le consommateur percevra la différence Mitsubishi car l’ingénierie influence ce que chaque marque veut laisser comme personnalité.

 

Comment redéfinissez-vous Mitsubishi en 2018 ?

Guillaume Cartier :

Notre image n’était pas la même selon le coin du globe. Chose intéressante, la perception était rarement négative mais silencieuse. Bref, comme la perception de la marque Mitsubishi n’était pas homogène à travers le monde, nous avons redéfini la marque en même temps que nous avons élaboré notre plan à moyen terme. Nous l’avons fait avec les designers et avec les ingénieurs. Nous sommes tombés d’accord sur l’idée de projeter une image principalement de fabricant de VUS. Notre second pilier est l’électrification. Et le troisième : l’innovation. Nous voulons transmettre ce message en amenant les gens à aller au-delà des conventions. Notre marque a été la première à créer un VÉ (la i-MiEV), la première avec un utilitaire PHEV. Qu’une compagnie écoule 1 million de véhicules sur le total de 84-85 millions vendus dans le monde accomplisse ce qu’elle a accompli, ce n’est quand même pas banal.

 

Qu’est-ce que Mitsubishi amène à l’Alliance ? Ne craignez-vous pas d’avoir l’air du parent pauvre ?

Trevor Mann : En premier lieu, l’Alliance n’est pas un organisme de charité ! Qu’est-ce que Mitsubishi amène au party ? Plus d’un million d’exemplaires vendus l’an dernier. Sans Mitsubishi, l’Alliance ne serait pas actuellement le groupe automobile # 1 dans le monde (il totaliserait 9,5 millions de véhicules vendus au lieu de 10,6). Nous amenons de la technologie comme le Outlander PHEV, un leader de l’industrie. Cette technologie sera utilisée par les autres membres de l’Alliance. Troisièmement, nous amenons une expérience géographique, une expertise dans certaines parties du globe que les autres n’ont pas. Bref, nous sommes peut-être petits mais nous ne sommes pas le parent pauvre.

 

Des gens disent que l’Alliance n’est pas aussi efficace qu’elle pourrait l’être, qu’il y a trop d’indépendance chez ses partenaires…

Trevor Mann : Premièrement, cette Alliance performe depuis 19 ans. Nommez-moi un autre partenariat dans cette industrie qui a duré aussi longtemps. Deuxièmement, nous avons rapporté une baisse significative des coûts, de l’ordre de 5,7 milliards d’euros cette année et qui grimpera à 10 milliards d’ici 2022. Troisièmement, toutes les compagnies de l’Alliance ont fructifié. En 1999, Nissan était une compagnie de 2,4 millions d’unités ; aujourd’hui, plus de 5 millions. Renault était sous les 2 millions et 4 millions l’an dernier. Et c’est ça qui est censé ne pas fonctionner ? Avons-nous pressé toute la synergie possible ? Non. Et c’est pourquoi nous continuons à modifier et à améliorer notre recette.

 

Tony Laframboise : Nos concessionnaires voient comment les concessions Nissan ont profité de l’Alliance avec Renault et ils espèrent les mêmes retombées pour eux. En fait, toute l’industrie s’intéresse à nous présentement. Des groupes de concessions nous approchent pour vendre notre marque.

 

Guillaume Cartier : Nous opérons dans 172 pays. Trevor et moi ne les visiterons pas tous (rires) mais nous sommes partis de l’Australie pour venir ici parce que le Canada est un marché important. Dans mes livres, le Canada sera bientôt notre 10e plus important marché dans le monde (il est présentement 11e).

 

Comment franchiser d’autres marchands sans frustrer ceux qui patientent après la manne depuis plusieurs années ?

Tony Laframboise : C’est une question d’équilibre. De toutes évidences, nous allons agrandir notre réseau car nous n’avons pas assez de couverture au pays. Nous couvrons actuellement 62% du marché canadien. Nous visons au moins 90%. Nous allons donc ajouter des commerces mais dans des secteurs où nous n’en avons pas. Nous n’allons pas diminuer le potentiel des marchands existants. Au Québec, nous sommes en bonne position mais il reste néanmoins des opportunités. Nous n’ajouterons pas des concessionnaires juste pour le plaisir d’en ajouter. Et nous voulons que chaque marchand vende beaucoup plus de véhicules. Nous avons besoin d’être beaucoup plus forts à ce niveau. La moyenne actuelle est de 250 unités par concession (environ le tiers d’un Toyota). Il y a donc de la place pour grandir.

 

Trevor Mann : Nous voulons un engagement du réseau dans chaque pays. J’ai l’impression que nous avons quelque peu négligé cet engagement.  Je ne veux pas pointer personne. Et je peux comprendre que des concessionnaires nous aient mis sur le brûleur arrière en attendant qu’on leur prouve ce dont on est capable. Je ne l’accepte pas nécessairement mais je comprends. Nous essayons maintenant de raviver le niveau d’engagement. Nous ne pouvons plus nous permettre d’avoir l’attitude de « quand le nouveau modèle se pointera, j’ouvrirai les vannes ! » Si on fait ça, je ne peux pas me permettre mes investissements. Je demande donc à mes concessionnaires de faire du « heavy lifting » avec moi au lieu de juste attendre et ne rien faire. Ensemble, nous allons passer d’un million de ventes à 1,3 million, ce qui améliorera le réseau. Pour être franc, la majorité des gens embarquent avec nous. Ce n’est pas 100% dans 100% des pays mais la majorité croit dans le nouveau Mitsubishi. De mon côté, je serai visible. Je ne vais pas vous raconter des histoires puis disparaître. Je vais régulièrement visiter les marchés importants, incluant le Canada. De sorte que si je vous ai menti, vous pourrez me traiter de menteur dans ma face !

 

D’où viendra l’argent pour cette « résurrection » ?

Trevor Mann : De nous. Mais si nous bâtissons une nouvelle plateforme, je m’attends à ne payer que le tiers du coût puisque le reste viendra des deux autres partenaires de l’Alliance.

 

Quelles sont vos priorités ?

Trevor Mann : Outre les objectifs financiers que j’ai mentionnés, nous devons nous concentrer sur nos « core models », i.e. le Outlander, incluant le PHEV, le RVR et l’Eclipse Cross. Nous allons augmenter la contribution de ces modèles de 60% à 70% d’ici la fin du plan (60% de 900 000 unités pour passer à 70% de 1,3M d’ici la fin du plan).

Nous allons surtout nous concentrer sur des VUS et les camionnettes parce que c’est notre force et notre héritage, mais aussi parce que c’est là qu’une vaste partie du marché se dirige.

De plus, nous misons sur l’électrification. Pour nous, ça veut dire 100% électrique pour nos petits véhicules, hybrides pour des formats intermédiaires et des enfichables (plug in) pour les plus gros. Nous ne voulons pas être trop abstraits. Nous voulons être en mesure de nourrir ce que nous allons créer et d’éviter les erreurs du passé.

 

Aux yeux du consommateur, ces nouveaux produits, seront-ils moins chers ou mieux équipés ?

Trevor Mann : Ça dépendra du produit mais, en général, on peut dire que les véhicules de nos jours ne coûtent pas moins cher, à cause des technologies et des législations.

 

 


NOUVEAU PROGRAMME IMAGE

Mitsubishi Canada avait déjà un programme Image en marche. Pas loin d’une dizaine de concessionnaires s’y étaient déjà conformés, dont HGrégoire à Vaudreuil-Dorion, tandis que Denis Michel (Mitsubishi Québec) s’apprêtait à le démarrer. Tony Laframboise a tout à coup mis un frein à ça pour plutôt adopter la nouvelle Image mondiale. Le Canada sera le premier pays à s’y conformer aussi rapidement. « Plusieurs de nos concessionnaires ont déjà dit « oui » à notre nouveau Programme. Le meeting de Whistler va accélérer les choses. J’estime que d’ici la fin de 2019, la moitié de nos concessions auront la nouvelle Image », dit Tony.

« Même si nous parlons d’investissements significatifs de la part des concessionnaires (« Les rénovations peuvent aller de 500 000$ à un million de dollars », précise Tony), j’ai été agréablement surpris par l’enthousiasme que suscite la nouvelle Image. Ça confirme le buzz actuel autour de la marque », dit Guillaume Cartier.

Le tout nouveau look ne se limite pas à l’extérieur du bâtiment. Les architectes ont conçu un bâtiment « lumineux », même si la couleur noire domine. À l’intérieur, le regard est dirigé vers la réception et un emplacement spécial sur le plancher est réservé aux véhicules électrifiés.

Mitsubishi Programme Image Concessionnaires

 


LE MESSAGE DE TONY À SES CONCESSIONNAIRES

« Nous avons devant nous une formidable opportunité. C’est le « moment Mitsubishi » ! Autant Trevor travaille à une échelle mondiale, autant nous l’imitons au Canada. Nous avons un plan de trois ans qui appelle le nouveau programme Image, plus de ventes, du meilleur personnel dans les concessions et plus d’engagement de la part de nos marchands. S’ils font tout ceci d’ici la fin de 2019, plus les nouveaux produits issus de l’Alliance, nous allons amener la compagnie à un tout autre niveau. »

Steve Lemay (Granby Mitsubishi), Donald Marcotte (Paquet Mitsubishi), Patrick Renaud, directeur régional des ventes VVMC, Trevor Mann, COO MMC, Guillaume Cartier, sénior v.-p. Marketing & Ventes MMC, et Pierre Couture (Saguenay Mitsubishi).

 

 


DEUX CONCESSIONNAIRES VEULENT SAVOIR

 

« Est-ce que l’arrivée d’une berline est à prévoir ? » – François Roy, directeur général de Québec Mitsubishi

Trevor Mann : Dans certains pays, ce marché est mort. Il y a peu d’intérêt pour les berlines en Europe, exception faite des voitures de luxes (les Allemandes essentiellement). Aux États-Unis, le marché rétrécit et les berlines ne sont pas rentables. La Chine, toutefois, continue d’être un bon marché pour les voitures de tourisme, de même que dans plusieurs pays émergents. Il nous faut donc développer des gammes selon les endroits où nous sommes.

Prenez l’Indonésie. Notre dernier succès là-bas est une petite fourgonnette. Nous détenons là-bas une part de marché frisant 10%. Nous pouvons donc nous permettre d’y développer un produit spécifique et profitable qui gardera nos concessionnaires heureux. Pour régionaliser un produit, nous avons besoin d’en vendre de 70 000 à 80 000 unités pour le rendre profitable. Nous ne sommes pas encore là partout mais nous y travaillons, au point d’envisager de construire de nouvelles usines.

Et je sais que ça ne répond qu’indirectement à votre question (rires)…

Tony Laframboise : Vu la grosseur de notre compagnie, je ne crois pas en une large brochette de produits. Nos quatre VUS vont bien. Cela dit, j’aimerais avoir un VUS plus large avec une meilleure capacité de remorquage. Mais je crois en mes produits actuels et je vais vous le prouver avec une croissance d’au moins 30% d’ici la fin de l’année.

 

 

« Est-ce que Mitsubishi va imiter le modèle d’affaires de Nissan, c’est-à-dire de généreux bonus de performance basés sur l’atteinte des objectifs mais des marges de profit réduites ? De plus, y a-t-il un risque de voir Mitsubishi cannibaliser des ventes chez Nissan ? » – John Hairabedian, président de HGrégoire

Réponses de Guillaume Cartier

1 – Non. Le positionnement de Mitsubishi est différent de celui de Nissan. Nous sommes moins « masse », plus « niches » (AWD, techno, etc.).

2 – On l’a craint en Europe quand Nissan et Renault se sont alliées et ça ne s’est pas produit. Le rôle de Mitsubishi est de garder sa « mitsubishiness » et de profiter de l’Alliance. Il n’y a pas plus de risques de cannibalisation qu’il y en a avec les autres marques.

 

 


BON À SAVOIR

  • En 2017, l’Alliance a vendu 10,6 millions de véhicules dans près de 200 pays (gain de 6,5% par rapport à 2016), soit une voiture de tourisme/camions léger sur neuf vendus dans le monde.
  • L’Alliance est aujourd’hui le groupe NUMÉRO UN au monde, devant VW et Toyota.
  • En tout, l’Alliance contrôle 10 marques = Renault, Nissan, Mitsubishi Motors, Dacia, Renault Samsung Motors, Alpine, Lada, Infiniti, Venucia et Datsun.
  • Renault détient 43,4% de Nissan qui détient 15% de Renault
  • Nissan détient 34% de Mitsubishi depuis octobre 2016
  • Daimler détient 3,1% dans Renault et dans Nissan

 

 


Sur la photo d’entête

Juste avant une série de rencontres avec 93 concessionnaires Mitsubishi canadiens, les trois « boss » ont posé pour la postérité : Guillaume Cartier, v.-p. sénior Marketing & Ventes, Trevor Mann, directeur des opérations, tous deux attachés à MMC, et Tony Laframboise, président et chef de la direction de VVMC.

 

 

 

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