ESSAI BMW i8: La déchirante tentation

Les raisons pour choisir une automobile sont aussi nombreuses que les raisons de se lever le matin et ce matin je me lève pour passer en revue ces raisons parce j’ai fait connaissance avec un véhicule qui m’y oblige. Il présente des qualités tellement évidentes et des lacunes si criantes que je dois coucher sur papier les pour et les contre pour essayer, je dis bien essayer d’ordonner les sentiments tourmentés que suscite en moi cette machine.

 

BMW i8 Protonic Red Edition

LA BMW I8

D’abord, vous la nommer : la BMW i8.

BMW n’a guère besoin d’introduction. Un constructeur allemand dont la réputation est de fabriquer des véhicules plutôt coûteux parce qu’ils sont rapides, confortables, luxueux et sophistiqués, la plupart du temps tout ça ensemble. La marque jouit aussi d’une solide crédibilité pour créer une osmose entre le pilote et la route. Si vous aimez conduire vite, serpenter à l’emporte-pièce sur un chemin de campagne en le dominant, BMW a une auto pour vous. C’est en tout cas l’atout sur lequel la compagnie bavaroise (son siège social étant à Munich, capitale de la Bavière, région au sud-est de l’Allemagne) mise beaucoup pour se différencier de la compétition, la plus rude étant germanique comme elle, quoique Mercedes-Benz, Audi et Porsche ne font pas dans l’escargot non plus.

L’appellation i8, quant à elle, désigne un modèle de la Série i. BMW classe ses véhicules en Série numérotées de 1 à 8 (pas de 9 encore), chaque Série comportant son lot de versions. La Série i est née en 2011, le « i » signifiant « innovation » ou « imagination » ou « intelligence », selon votre « inspiration », pourvu que ça soit un mot qui évoque l’avant-gardisme. Car les enfants de la Série i moussent la propulsion électrique. Aujourd’hui, il est vrai, plusieurs Séries incluent des modèles électrifiés, comme la 330e et la 740e, mais il s’agit d’une électrification dite légère dans une auto sinon conventionnelle.

Avec les « i », on taquine davantage le futur. L’électrification est à l’honneur mais aussi les matériaux inusités et les silhouettes excentriques. Jusqu’à présent, BMW n’a dévoilé que deux modèles « i » – la i3 et la i8 – mais d’autres verront le jour, c’est absolument certain. En fait, tôt ou tard, ce seront les modèles « i » qui représenteront la norme et BMW devra alors introduire une nouvelle Série encore plus futuriste.

Ces fameuses raisons que je dois jauger pour décider si oui ou non j’ai raison d’aligner une i8 dans mon collimateur d’hyper consommateur seraient beaucoup moins problématiques si je lorgnais du côté de la i3. Un gentil cube électrique à peu près gros comme une Kia Soul, elle coûte trois fois moins cher que sa grande sœur et s’avère beaucoup plus pratique.

Alors que la i8 de mon essai affichait un PDSF de 164 600, sans les taxes. Quant à la colonne des « pour », ça ne prend pas un grand médium pour prédire qu’elle pourrait être courte.

Totalement chargée (en trois heures avec une simple prise de 110V), la i8 peut parcourir environ 30 km en mode 100% électrique. Ce n’est pas terrible. Rapidement, on détecte le 3-cylindres qui débarque en renfort.

 

BMW i8 Protonic Red Edition

PARLONS MOTEUR

Mais ne brûlons pas les étapes. Résumons d’abord l’essence d’une i8 : une GT (de l’italien gran turismo) hybride enfichable à 4 places et 2 portes. Longue comme une Jaguar XE, plus basse qu’une Ferrari California T et surtout plus légère qu’une Chevrolet Bolt, la i8 est conçue pour avaler des kilomètres dans le confort à des vitesses très illégales en Amérique du Nord. Et cette mission sur Terre, la i8 l’accomplit en usant de moyens peu orthodoxes.

Le fait qu’elle soit un hybride enfichable ne révolutionne rien. On peut se procurer une Prius Prime de 35 000$ qui fait pareil. Par contre, cette Toyota n’affiche pas les 362 chevaux de la i8, une sportivité née de l’union d’un moteur électrique à un 3-cylindres à essence qui fournissent respectivement 131 et 231 chevaux. Mais un 3-cylindres !? Hé oui, le même 1,5 litre turbocompressé que la MINI Cooper de base (autre produit BMW). Mettons que le propriétaire d’une Mustang GT gavée d’un V8 de 455 chevaux rigole un brin. Pourtant, ce n’est pas parce que BMW ne sait plus comment assembler des grosses cylindrées. Sous le capot d’une 760Li, par exemple, se glisse un V12 biturbo de 600 chevaux.

Mais la i8 ne pouvait emprunter cette avenue archi connue. Le moteur électrique, qui repose sous le long capot pointu, et le 3-cylindres positionné à l’arrière, se répondent à qui mieux mieux pour tantôt faire de la i8 une traction, une propulsion ou une motricité intégrale.

Totalement chargée (en trois heures avec une simple prise de 110V), la i8 peut parcourir environ 30 km en mode 100% électrique. Ce n’est pas terrible. Rapidement, on détecte le 3-cylindres qui débarque en renfort. Les ingénieurs se sont même arrangés pour viriliser son chant. Au moindre freinage, on recharge la batterie lithium-ion.

Les deux moteurs travaillent bien ensemble puisqu’ils gratifient la i8 d’un 0-100 km/h de 4,4 secondes. L’équivalent de la Mustang GT de tantôt – tiens, toi ! – mais moins défrisant que la version P100D de la Tesla S avec son super chrono de 2,5 secondes.

Les performances de la i8 reçoivent un coup de main significatif de la part du châssis tissé en fibre de carbone, le matériau roi de la F1, et de sa coque moulée de plastique renforcé. Quand vous écrasez l’accélérateur, à la sensation de poussée s’ajoute celle de légèreté.

Autre bénéfice non négligeable de cette hybridité implantée dans une carcasse poids plume : une consommation moyenne sous les 8 litres aux 100 km, surtout en favorisant le programme de conduite EcoPro et en laissant tranquille les palettes au volant qui permettent de passer manuellement les 6 rapports de la transmission robotisée du moteur thermique (le moteur électrique dispose de deux vitesses à lui).

L’adhérence est magistrale grâce à la traction intégrale qui s’installe quand chaque moteur s’occupe de son essieu, sans perdre de vue la répartition des masses quasi idéale de 49/51.

 

ET UNE FOIS AU VOLANT

La i8 manifeste vraiment une authentique fougue quand on se donne la peine de la titiller. L’adhérence est magistrale grâce à la traction intégrale qui s’installe quand chaque moteur s’occupe de son essieu, sans perdre de vue la répartition des masses quasi idéale de 49/51. Le coup de volant se veut précis et la suspension ne pêche jamais par des manières trop sèches. Les magnifiques baquets à l’avant procurent à la fois béatitude et support. L’appuie-tête intégré maintient notre nuque comme si elle reposait dans la paume d’un géant.

Bref, la i8 étale un amalgame de technologies modernes pour nous faire vivre des sensations tantôt ouatées, tantôt enivrantes. À cet égard, BMW est fidèle à sa réputation.

Cela dit, en tant que voiture hybribe enfichable, son bilan n’est guère triomphant. L’industrie fourmille désormais de « plug-in » qui consomment moins pour le cinquième du prix.

Mais pour ne pas rater votre entrée en scène, pratiquez-vous dans votre garage. Car à cause du seuil de caisse très large, du siège enfoncé et de la portière ouverte qui menace constamment le coco, il faut développer ses quadriceps et de la souplesse pour ne pas rater son petit numéro.

 

RESTE LA SILHOUETTE 

Et alors là, chapeau au designer français Benoit Jacob qui a signé une sculpture sur roues. Les formes sexy de la i8 sont mises en valeur par des accents de couleur qui soulignent ses galbes. Un corset bleu métallique ceinturait mon bolide blanc cristal mais émaillé de panneaux noirs à l’effet dramatique. Les ailes arrière qui encadrent le hayon de verre forment des ourlets invraisemblables qui servent aussi de tunnels aérodynamiques afin que l’air qui s’y engouffre plaque l’auto au sol. Ils sont beaux comme une clé de sol sur la portée d’une symphonie.

Les deux longues portières ne sont pas en reste en se soulevant vers le ciel telles les élytres d’un insecte. Nous sommes plusieurs à rêver d’avoir la chance d’entrer et sortir d’une Batmobile. La i8 nous sert ce plaisir jour après jour. Vous ne vous stationnez pas bêtement au centre d’achats. Vous immobilisez votre vaisseau spatial et vous vous en extrayez avec la dégaine confiante d’une vedette rock habituée à l’adulation.

Mais pour ne pas rater votre entrée en scène, pratiquez-vous dans votre garage. Car à cause du seuil de caisse très large, du siège enfoncé et de la portière ouverte qui menace constamment le coco, il faut développer ses quadriceps et de la souplesse pour ne pas rater son petit numéro.

Si vous voulez impressionner vos amis en les installant dans les deux cuvettes arrière, n’en faites rien : y’a pas de place !

 

BMW I8
BMW I8

UNE FOIS À L’INTÉRIEUR 

La cabine n’en met pas plein la vue comme l’extérieur. On y retrouve des interrupteurs communs à la gamme BMW. La nuit qui tombe change toutefois la donne. Car alors des cordons de lumière zèbrent le tableau de bord et les portes pour métamorphoser le cockpit en capsule sci-fi.

Si vous voulez impressionner vos amis en les installant dans les deux cuvettes arrière, n’en faites rien : y’a pas de place ! Sauf pour vos sacs de voyage puisque la soute à bagages sous le hayon de verre contient peu (154L). Quand j’ai dû me résoudre à déposer des sacs d’épicerie sous la lunette, j’ai défiguré le look de la créature comme si j’avais ficelé un matelas sur le toit d’une Rolls.

 

BREF…

Bref, vous aurez compris que la i8 est splendide mais guère pratique. Pour les manœuvres délicates, heureusement qu’un système de caméra 360 degrés nous guide.

J’en étais là, à tempérer mon enthousiasme pour cette automobile hors du commun, à m’énumérer mentalement tous les inconvénients qui viennent saper ses vertus, quand je me suis arrêté à une station-service. Juste à côté d’une école primaire à la cour de récréation bondée. En un éclair, les jeunes ont repéré l’ovni. Quand la portière a cisaillé, ce fut le délire. Quand je suis reparti, ce le fut sous un tonnerre d’applaudissements et devant une haie d’honneur de pouces levés.

Alors, bon, finalement, si c’est pour apporter un peu de bonheur dans la vie de nos enfants, peut-être bien que, après tout…

 

À PROPOS DES CHRONIQUES AUTOMOBILE DE MICHEL CRÉPAULT:

Michel Crépault teste des automobiles depuis 1985. Dans cette chronique, il vous propose des textes, parfois trop longs au goût du jour, où le plaisir de décrire des sensations l’emporte très souvent sur les spécifications techniques. 

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