Dossier: vendre ou transférer sa concession

Plus de 70 % des concessionnaires automobiles canadiens souhaiteraient bien partir à la retraite d’ici cinq ans. « Et ironiquement, ce sont, pour la plupart, les mêmes qui rêvaient de tirer leur révérence juste avant la crise économique de 2008. Il y a de cela bientôt 10 ans », soutient Frédéric Séguin, vice-président, transactions au sein du groupe vente, acquisition et financement d’entreprises chez PricewaterhouseCoopers (PwC).

Il faut savoir que ces concessionnaires indiquaient déjà dans un sondage PwC en 1997 vouloir quitter leur poste 10 ans plus tard. Ils ont toutefois été, dans la grande majorité, contraints de demeurer sur leur siège, explique M. Séguin. « Ils ont, à l’image des capitaines, refusé de quitter leur navire en pleine tempête alors que l’industrie automobile traversait l’une de ses pires crises de l’histoire », poursuit-il.

Aujourd’hui, grâce aux années fastes et records que vit actuellement l’industrie, plusieurs veulent maintenant passer à l’action. Or voilà, la situation n’est pas si simple. « Seulement la moitié de ces concessionnaires ont commencé à planifier leur transfert d’entreprise », soulève Frédéric Séguin.

Remarquez, la situation n’est pas plus rose dans les autres secteurs de l’économie, où l’on trouve autant d’entrepreneurs, eux aussi plus ou moins préparés pour faire face à la musique d’un transfert d’entreprise. « Ce qui différencie toutefois le milieu automobile de ces autres secteurs, ce sont les hautes barrières à l’entrée auxquelles font face les repreneurs intéressés », avertit M. Séguin.

Par Claudine Hébert

 

Les exigences des manufacturiers

Les manufacturiers sont de plus en plus exigeants envers les concessions en matière de performance. Et ils ont, en plus, un droit de regard sur le choix de la personne qui peut succéder au dirigeant actuel. Plusieurs d’entre eux exigent également que les concessions suivent la nouvelle image du manufacturier au moment du transfert. « Du coup, le repreneur doit non seulement investir pour acheter la concession du cédant, il doit aussi prévoir un investissement entre 2 M$ et 10 M$ pour revamper l’immeuble à la demande du manufacturier », rapporte M. Séguin.

Selon PwC, en 2012, près de trois concessionnaires sur quatre au Québec considéraient leur enfant comme leur successeur idéal. Or, compte tenu des nouvelles exigences manufacturières, seulement la moitié de ces concessionnaires jugent ce type de transfert réaliste, précise Frédéric Séguin.

 

Vente aux groupes

Ce qui explique l’actuelle tendance des concessionnaires à vendre leur entreprise à des groupes plutôt qu’à leurs enfants ou leurs employés. Au cours des deux dernières années, la province a enregistré plus de 100 transactions entre propriétaires de concessions automobiles, fait remarquer la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec. « Du jamais vu dans l’industrie », signale Jacques Béchard, président de la CCAQ (NDLR : en entrevue, bien entendu avant le malheureux accident survenu à Me Béchard).

Cette course aux transactions fait augmenter la valeur des concessions uniques. Selon le pouls du marché, ces valeurs peuvent varier aisément de deux jusqu’à neuf fois les profits avant impôts selon les marques de voiture, la valeur des concessions de voitures de luxe figurant parmi les plus élevées.

« Dans certains cas, on a vu des concessions qui n’étaient même pas rentables être achetées par un groupe à un prix représentant quatre à six fois sa valeur », indique Jean Defoy, directeur régional concessionnaires automobiles Mouvement Desjardins. Ce type de transaction, poursuit M. Defoy, ne peut être réalisé que par des plateformes solides ayant suffisamment de capital : les groupes.

Jacques Béchard, à la CCAQ, dit recevoir au moins une dizaine d’appels par année de concessionnaires déchirés. « Ils me demandent s’ils doivent transférer à leurs enfants qui souhaitent prendre la relève ou accepter l’offre imbattable que vient de leur offrir un groupe. À tous, je réponds la même chose : ramassez la manne pendant qu’elle passe ! »

Cela dit, en général, les relèves familiales demeurent dans plus de 40 % des cas le modèle emprunté pour assurer la pérennité des PME québécoises. Les transferts à l’externe (groupes) s’affichent comme le deuxième mode de relève le plus utilisé. La vente aux employés suit au troisième rang. C’est ce que tend à démontrer une étude présentée par la Caisse de dépôt et placement du Québec en 2015.

Enfin, selon la dernière étude menée par PwC sur les transferts chez les concessionnaires automobiles canadiens, les dirigeants de groupes de concessions tendent à être mieux préparés pour assurer la relève. Près de trois dirigeants sur cinq (59 %) détiennent un plan de transfert. Chez les concessionnaires uniques, c’est moins d’un dirigeant sur deux (46 %) qui a entamé cette planification. Et toujours selon l’étude, ce sont les dirigeants des concessions Volkswagen/Audi qui seraient le mieux préparés. Près de huit sur dix (79 %) ont indiqué avoir établi un plan de transfert. Suivaient de près les concessionnaires Mazda avec 73 %. Les concessionnaires Chrysler, eux, figuraient parmi les moins préparés avec un score de 48 %.

 

 

Séguin_Frédéric

Frédéric Séguin, vice-président, Transactions au sein du groupe Vente, acquisition et financement d’entreprises

 

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