Les concessionnaires en course automobile: quossé ça donne?

Vous connaissez l’adage: «Qui gagne le dimanche, vend des voitures le lundi»? Eh bien, c’est faux. Du moins, directement. Indirectement, c’est une autre histoire, mais avant d’impliquer votre concession dans une série monotype telle la Coupe Nissan Micra, voici ce qu’il faut savoir.

Tous les pilotes, propriétaires de concession et porte-paroles de constructeurs interviewés pour ce reportage sont unanimes: le concessionnaire qui met le pied sur l’accélérateur de la course automobile doit le faire avec son coeur, pas juste avec son portefeuille.

Nadia Mereb, relationniste de Honda Canada à la retraite qui a veillé, saison après saison, à la destinée de la série Honda/Michelin, énumère les trois impératifs qui doivent primer chez le concessionnaire qui ne veut pas «frapper le mur» : «Il faut de la passion, ensuite de la passion et encore de la passion ! »

«Et ne pensez pas qu’une seule saison va faire du bien à votre entreprise, ajoute-elle. De un, ça serait contraire à l’esprit même de la compétition et, de deux, si vous commencez avec l’intention de dire « merci, bonsoir » lorsque vous jugerez le but atteint, vous n’y parviendrez pas, du moins si vous êtes un passionné de course. Vous y êtes à fond ou vous n’y êtes pas du tout.»

 

VOUS ALLEZ AUSSI AIMER: AVANT LA COUPE NISSAN MICRA: La (grande) histoire de la (petite) course automobile au Québec

 

UN: Temps et argent

L’argent, d’abord: même si la Coupe Nissan Micra s’affiche comme la série monotype la plus abordable «ever» au pays, reste qu’une saison coûte au minimum 30 000$ – deux tiers pour la voiture, un tiers pour l’inscription. Ajoutez les pneus, le carburant, les caravanes de transport, les équipements, les déplacements, mais aussi un peu – ou beaucoup de tôle… «parce qu’ils se frottent, les garçons !» lance Didier Marsaud, porte-parole de Nissan Canada et artisan de la Coupe Micra.

Ensuite, le temps. Même dans sa plus simple expression, la compétition automobile en demande beaucoup. Énormément. D’abord, on ne débarque pas sur le circuit comme un cheveu sur la… course. «Nous arrivons au moins deux jours à l’avance,» dit Yves Aubé, propriétaire de Val-d’Or Nissan qui pilote lui-même sa Micra, ce qui en fait le seul concessionnaire à ainsi s’impliquer «des deux côtés de la clôture». Ensuite, il faut bien les réparer, ces ailes amochées, ces portières enfoncées, ces freins qui ne répondent plus. Toutefois, ici, les concessionnaires possèdent un net avantage sur les autres concurrents puisqu’ils ont tout le loisir d’utiliser les pièces et l’expertise de leur atelier, et à des coûts moindres.

 

Didier Marsaud, porte parole de Nissan Canada
Didier Marsaud, porte parole de Nissan Canada

 

Mais il y a plus grand avantage encore: un vibrant esprit d’équipe se développe au sein des employés de la concession. Cela nous a été dit par les participants de l’actuelle Coupe Nissan Micra, mais aussi par les compétiteurs aux Honda/Michelin et Coupe Toyota Echo de l’époque. «L’expérience a énormément rapproché nos gens et on a longtemps surfé sur cette vague, même après que la Coupe Toyota Echo ait été discontinuée, rappelle Denis Archambault, président-directeur-général d’Alix Toyota. Même que ce fut là les plus belles retombées de notre implication.

Denis Leclerc, président du Groupe ALBI, un consortium qui en est à sa première incursion en course automobile avec la course Micra, renchérit: «On a souvent des programmes d’encouragement pour le département des ventes, mais très peu pour le service, alors c’est comme de donner au suivant. Cela dit, je ne m’attendais pas à autant que ça: lorsque nos Micra reviennent de leur week-end et que ça sent le rubber dans l’atelier, nos employés sont tellement fiers, des conseillers techniques aux mécanos en passant par les gens aux pièces.

 

Denis Leclerc, président du Groupe Albi
Denis Leclerc, président du Groupe Albi

 

Patrick Wittmer, président de Honda Ste-Rose, va encore plus loin. Selon lui, pareille implication vient prouver, noir sur blanc, tout le savoir-faire du concessionnaire. «Les clients aiment faire affaire avec des champions et si on est champion en piste, ils savent qu’on a dû tout faire correctement, sinon ça aurait été le crash. Cette volonté et cette science, ils sont contents de les voir transposées à leur voiture dans nos ateliers de réparations.»

 

DEUX: Pas juste pour le marketing

Il y a les concessionnaires qui participent en course automobile de manière engagée, avec une équipe, un volant, voire plusieurs. De ceux-là, certains vous disent que les week-ends sont si intenses «qu’on ne vend pas de chars le lundi… parce qu’on prend congé.» Les plus fanatiques répliquent: «Nous, on va au boulot le lundi parce qu’on veut que tout le monde sache qu’on a gagné!»

C’est le cas de Patrick Wittmer qui, avec son paternel Kuno et ses quatre fils – Nick, Kuno Junior, les jumeaux Kurt et Karl – compose l’un des clans de pilotes chevronnés les plus connus de la Belle Province (ils disent qu’ils ont la… kourse dans le sang !). Cet Andretti québécois estime que la façon de faire la plus efficace pour un concessionnaire demeure de s’acheter une voiture et d’y afficher ses couleurs corporatives. «Laissez le pilote s’occuper du reste; ça ne vous aura coûté que quelques milliers de dollars pour une bien belle publicité», dit Patrick.

 

Patrick Wittmer et ses 4 fils
Patrick Wittmer et ses quatre fils: Nick, Kuno Junior, Kurt et Karl.

 

 

De fait, mettre une voiture à la disposition des pilotes et/ou l’assister dans son acquisition – et sa réparation s’il y a lieu, c’est l’option qu’a choisie Capitale Nissan de Québec. Le concessionnaire établi à deux pas des Galeries du même nom sponsorise le pilote #28, Frédéric Bernier, dont la compagnie Auto HiFi a justement pignon de l’autre côté de la route.

«Pour nous, l’idée est d’être dans la parade plutôt que de la regarder passer, explique Julie Fortier, directrice générale de Capitale Nissan. À la base, on le fait par passion et pour nos employés, tant mieux si les clients nous suivent.» Justement, suivent-ils ? «Oui, l’engouement est grand sur les réseaux sociaux, ça fait beaucoup de bruit dans Facebook. Et lorsque la voiture est en démonstration chez nous, les gens nous visitent pour la prendre en photo, y faire asseoir leurs enfants…», dit Mme Fortier, qui rêve maintenant de voir la série s’arrêter à Québec.

 

TROIS: Tout le monde en profite

Tous nos interviewés le disent, l’impact des réseaux est incomparable versus l’époque «où on faisait ça avec des caméscopes Handycam à cassette, se souvient Patrick Wittmer. Aujourd’hui, ils filment ça avec des iPhone et des GoPro… et on n’a plus qu’à regarder en direct. C’est à la fois magnifique et fou!»

Fou, comme cette vidéo tournée à bord de la voiture du pilote (et collègue journaliste) Brian Makse, à la piste ontarienne de Calabogie, au printemps dernier. Au moment d’écrire ces lignes, près de 200 000 internautes avaient déjà visionné les pirouettes des petites Micra, prouvant au passage leur solidité puisque personne n’a été blessé dans le carambolage.

 

 

Des «posts» viraux du genre profitent à ceux qui s’impliquent, mais aussi à ceux qui ne le font pas. Donc, on en revient à notre première – et principale interrogation: est-ce que la course automobile fait vendre «plus de chars»?

Tous ceux à qui nous avons parlé répondent par la négative mais avec des mais, comme Julie Fortier : «Je ne pense pas que les retombées soient directes, mais il reste que la Micra est, avec la Sentra et le Rogue, notre meilleur vendeur.» ;

 

Julie Fortier et Frédéric Bernier
Julie Fortier, directrice générale de Capitale Nissan, commandite Frédéric Bernier, le pilote #28 de la Coupe Micra.

 

Didier Marsaud : «Est-ce qu’on vend le lundi… ou le mercredi? Je ne pourrais le dire. Mais une chose est sûre: ça fait vendre plus directement que la F1.» ; et

Nadia Mereb : « Dans la foulée de la série Honda/Michelin, un étendard incroyable, la clientèle ne s’en allait pas uniquement vers la Civic hatchback mais reluquait les autres véhicules dans la salle de montre.»

Depuis que cette série n’est plus (2005), les Wittmer se sont tournés vers d’autres compétitions, notamment le challenge Super Production qui s’arrête chez ICAR à Mirabel, à Calabogie en Ontario et au Grand Prix de Trois-Rivières. «Nous y avons deux Honda Fit pour 75 000$ par saison, un budget qui n’est pas faramineux,» dit M. Wittmer. En effet, c’est à peu près ce que coûte une seule course en Coupe Porsche GT3.

Enfin, pas besoin de vendre directement au public pour apprécier les retombées d’une commandite. Ainsi, le Groupe Touchette, l’un des plus importants distributeurs de pneus au pays (voir le reportage dans le précédent AutoMédia), fait courir deux voitures en Coupe Nissan Micra, dont l’une pilotée par Nicolas Touchette lui-même (la seconde par Stefan Rzadzinski). Ce qui a d’abord été amorcé comme un «trip personnel» pour le co-président vient combler les partenaires d’affaires. «À chaque épreuve, nous invitons des clients à passer le week-end avec nous. Ça crée de l’engouement, ça nous fait connaître et on travaille le relationnel, explique M. Touchette. En fait, ils aiment tellement ça qu’ils veulent tous revenir !»

 

 

ILS ONT DIT…

 

Yves Aubé

Les clients m’appellent M. Micra!

Yves Aubé, président de Val-d’Or Nissan

«Même loin des circuits de course, c’est une belle visibilité, c’est du bon marketing institutionnel qui rejaillit sur l’ensemble de la marque. On sait que la série ne nous fera pas vendre 100 voitures de plus par année, mais elle nous démarque des autres concessionnaires et suscite l’intérêt des clients. Ils m’appellent M. Micra, me demandent comment ça se passe pour moi en piste, si notre voiture a été modifiée, si j’ai fait des podiums… Ça crée des liens..»
screen-shot-2016-11-01-at-2-28-31-pm

J’applique aux affaires ce que j’apprends en piste

Nicolas Touchette, co-président du Groupe Touchette

« Participer personnellement en piste m’aide à me dépasser professionnellement. Lorsque j’avance la voiture à la ligne de départ, il me faut penser à ma conduite, pas à mettre l’accent sur ce que font mes concurrents. Cette leçon, je la transpose au monde des affaires.»

 

Denis Archambault

Du bon kilométrage

Denis Archambault, président-directeur-général de AlixToyota

«À l’époque de la Coupe Toyota Echo, on ne courrait pas après la publicité. Mais avec les réseaux sociaux d’aujourd’hui, c’est sûr que la couverture médiatique serait fantastique; en les optimisant à fond, on pourrait faire du bon kilométrage.»

 

 

 

Patrick Wittmer et ses 4 fils
Patrick Wittmer et ses quatre fils: Nick, Kuno Junior, Kurt et Karl.

Honda devrait obliger la participation des concessionnaires

Patrick Wittmer, président de Honda Ste-Rose

«Les constructeurs à l’héritage de course, comme Honda, devraient obliger leurs concessionnaires, du moins ceux établis dans les grands centres, à s’impliquer dans une compétition ou dans une autre. Et afin de soutenir ces «team players», ils devraient eux aussi s’impliquer, sachant que ce qui représente une goutte d’eau dans leur budget publicitaire leur donne de la visibilité dans de méchants gros événements. Surtout au Québec, où le marché y est tellement facile à conquérir car les Québécois sont ma-la-des de course automobile !»

 

VOUS ALLEZ AUSSI AIMER: AVANT LA COUPE NISSAN MICRA: La (grande) histoire de la (petite) course automobile au Québec

 

 

 

 

 

 

 

Partagez l'article

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest
Retour en haut