Voitures achat en ligne

Acheter sa voiture neuve en ligne? C’est inévitable…

Les temps changent et les bipèdes que nous sommes font de plus en plus tout en ligne : écouter de la musique, rencontrer l’âme sœur, visionner un film, s’informer, acheter un livre, se magasiner une chambre d’hôtel, faire son épicerie !

Le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, a vu le chiffre d’affaires de son entreprise passer de trois fois rien, à sa fondation en 1994, à 107 milliards de dollars en 2015, une augmentation de 20% par rapport à l’année précédente. Assez pour coiffer Walmart, l’habituel numéro un mondial de la distribution, au chapitre de la valeur de l’entreprise en bourse : 233,5 milliards de dollars pour Walmart contre 264 milliards pour Amazon.

Cela dit, est-ce que le tsunami de la vente en ligne est à la veille de frapper l’automobile ? La réponse est oui mais avec une flopée de nuances…

Par: Bernard Samson

 

La vente d »automobiles en ligne 

De son bureau du 101, Av. des Champs-Élysées, à Paris, José Senent, président directeur général d’AutoRéduc, pilote autoreduc.com, le tout premier site d’achats groupés d’automobiles. Lancée en 2011, une vingtaine d’employés, des bureaux en France, au Maroc, en Belgique, en Suisse et en Espagne, un reportage à la une de la section business du New York Times, l’entreprise est spécialisée dans la vente et l’achat de voitures neuves et usagées en ligne.

José Senent, président directeur général d’AutoRéduc
José Senent, président directeur général d’AutoRéduc

À Paris, vous pouvez acheter votre voiture en ligne, et la recevoir chez vous, assurée et immatriculée.

 

Pour les neuves, AutoRéduc émule le modèle de Groupon : pour un bon prix, le client accepte de ne choisir que la marque, le modèle et la couleur de son auto. C’est le nombre de coupons vendus sur des réseaux sociaux qui valide la vente de telle ou telle voiture et permet de négocier un prix avantageux auprès d’un concessionnaire partenaire.

« Internet nous donne la possibilité de faire les choses autrement, dit José Senent. Chez nous, vous pouvez acheter votre auto en ligne, la payer en ligne, et la recevoir chez vous, assurée et immatriculée. Nous sommes les seuls qui faisons la livraison des voitures à domicile. »

 

Chez nous ?

Pour l’instant, cette pratique nouvelle, qui traite 100% des opérations d’achat d’un véhicule neuf en ligne, n’est pas permise aux États-Unis. Ni au Canada. En fait, pas même en France, où la loi exige encore que le contrat de vente de l’automobile soit dûment signé par l’acheteur.

« Pour contourner ce hic, explique M. Senent, nous expédions le contrat à l’acheteur par courriel. Celui-ci imprime le contrat, le signe, et nous le retourne par la poste. En 10 jours, en moyenne, l’auto est livrée chez le client. »

C’est loin d’être aussi simple chez nos Voisins du Sud où, d’État en État, des lois bloquent, çà et là, la possibilité de compléter en ligne la totalité des opérations qu’il faut pour acheter une voiture. Au Connecticut, par exemple, la « loi de franchise », qui est presque centenaire, oblige les manufacturiers à ne vendre leurs autos neuves qu’à des concessionnaires, ce qui empêche Tesla d’y écouler ses autos, elle qui ne vend qu’en ligne et qui opère pourtant un centre de service à Milford (Connecticut).

Au Connecticut, par exemple, la « loi de franchise », qui est presque centenaire, oblige les manufacturiers à ne vendre leurs autos neuves qu’à des concessionnaires, ce qui empêche Tesla d’y écouler ses autos

En avril dernier, pour une 2e année de suite, Tesla s’est vue adresser un refus à sa demande d’amendement de la loi, ce qui l’aurait autorisée à vendre ses autos directement sans passer par un concessionnaire. Partie remise…

Pendant ce temps, chez AutoNation, le plus important détaillant de véhicules neufs aux États-Unis, sur des revenus de 20,9 milliards de dollars en 2015, 30% des ventes provenaient de transactions amorcées en ligne. « Il n’y a aucun doute, les gens veulent pouvoir acheter une auto en ligne, comme on commande un livre ou une chemise », dit Marc Cannon, le directeur marketing d’AutoNation.

À l’occasion du lancement de la plate-forme web AutoNation Express, en novembre 2014, le p.-d. g Mike Jackson avait déclaré que ses clients pourraient financer et acheter leur auto en ligne et même signer la paperasse électroniquement, dans le confort de leur foyer, d’ici la fin de 2015. En juillet 2015, AutoNation a dû reporter le financement et l’achat d’assurances en ligne à 2016. Et maintenant, on parle de 2017… « Il nous faut des changements législatifs pour que notre plate-forme d’achats en ligne fonctionne totalement », avoue Jackson.

Mike Jackson avait déclaré que ses clients pourraient financer et acheter leur auto en ligne et même signer la paperasse électroniquement, dans le confort de leur foyer, d’ici la fin de 2015.

 

C’est dans l’air

Tandis que les législateurs et les gens d’affaires discutent, le déploiement de la Toile se poursuit et transforme notre quotidien. « Au début des années 2000, il n’était pas rare de voir des clients nous visiter 3, 4 ou 5 fois avant d’acheter. Aujourd’hui, nos walk-in sont à la baisse et de 30% à 35% de nos clients achètent dès leur première visite », dit Guy Duplessis, président de la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec et de Lallier Ste-Foy.

« Il y a 10 ans, on n’achetait pas un ordinateur en ligne », rappelle Alexander Lvovich, directeur général de Volvo Canada. Ce qui, en septembre 2014, n’a pas empêché le constructeur de vendre 1 927 exemplaires du nouvel utilitaire XC90 dans 27 pays en 48 heures, dont 61 unités au Canada.

screen-shot-2016-11-09-at-10-35-32-am
Alexander Lvovich, directeur général de Volvo Canada

« Il y a 10 ans, on n’achetait pas un ordinateur en ligne », rappelle Alexander Lvovich, directeur général de Volvo Canada.

Ici, comme chez Tesla d’ailleurs, plusieurs étapes telles l’identification, la fourniture de renseignements bancaires et le versement d’un acompte se faisaient en ligne, mais l’acheteur était quand même tenu de se pointer chez un concessionnaire pour signer le contrat de vente et prendre possession de son auto. Mais alors, à quand la vente d’automobiles neuves 100% en ligne ? « Ça s’en vient ! », assure Alexander Lvovich.

Au Québec, deux points interdisent l’achat ou la location à long terme de véhicules automobiles totalement en ligne.

Au Québec, deux points interdisent l’achat ou la location à long terme de véhicules automobiles totalement en ligne. Le premier, la loi de l’Office de protection du consommateur précise que, sauf dans les cas de salons commerciaux ou de succursale temporaire, le vendeur ne peut faire la vente de véhicules routiers qu’à son établissement, ce qui oblige l’acheteur à se pointer chez le concessionnaire.

Le second point est une exigence des institutions financières qui requièrent que le contrat de prêt ou de location à long terme soit signé par le client chez le concessionnaire avec deux pièces d’identité.

« Au cours des cinq dernières années, beaucoup de formulaires papier ont été remplacés par des modèles électroniques. Nous sommes en pleine mutation, nous assistons à la transformation d’un modèle », dit Claude Moureaux, conseiller stratégique, Financement automobile et biens durables chez Desjardins. Il poursuit : « Nous ne sommes pas très loin de faire le tout en ligne. Mais le marché n’est pas tout à fait prêt… »

Claude Moureaux, conseiller stratégique, Financement automobile et biens durables chez Desjardins
Claude Moureaux, conseiller stratégique, Financement automobile et biens durables chez Desjardins

« Nous ne sommes pas très loin de faire le tout en ligne. Mais le marché n’est pas tout à fait prêt… »

En fait, c’est le nouveau consommateur, le millénial âgé de 20 à 35 ans, toujours armé de son smartphone, pour qui l’achat en ligne est déjà un réflexe et qui transforme le futur. Selon e-Marketer, l’industrie automobile a dépensé 7,3 milliards de dollars pour de la publicité web aux Etats-Unis en 2015. De cette somme faramineuse, 3,43 milliards (53%) sont allées à des pubs dédiées aux téléphones intelligents.

Les budgets de publicité en ligne continueront de migrer vers ces gadgets, désormais extensions naturelles de l’être humain : prévision de plus de 12 milliards de dollars en 2019.

C’est dans cette perspective que Toyota vient de lancer de petits films publicitaires taillés sur mesure pour les utilisateurs de iPhone & Cie mettant en vedette l’acteur James Marsden et son RAV4.

Yan Cimon est professeur de stratégie à la faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. Il suit de près l’industrie automobile. Ce qui s’en vient d’après lui : « Plus de pression sur la rentabilité, sur les ventes et sur les produits financiers. Un plus grand usage d’Internet. Des employés mieux formés. Des voitures plus technologiques. Plus d’autos électriques, plus d’hybrides rechargeables, plus des systèmes de freinage intelligents. Des clients plus exigeants. Les salles de montre vont changer, de même que la manière dont l’entretien des véhicules est planifié. Une part beaucoup plus grande des ventes se fera en ligne et les marchés seront de moins en moins locaux… »

screen-shot-2016-11-09-at-10-38-55-am
Yan Cimon, professeur de stratégie à la faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval

Une part beaucoup plus grande des ventes se fera en ligne et les marchés seront de moins en moins locaux…

L’avènement des transactions en ligne sera assurément un point tournant. « L’achat d’une voiture pourra se faire d’un bout à l’autre dans son salon quand la signature électronique sera reconnue partout au Canada », dit Claude Moureaux. Et quand cela sera-t-il possible ? « J’estime que ça se fera d’ici cinq ans », avance le conseiller stratégique de Desjardins.

« Dans le futur, il y aura toujours une place pour des acheteurs traditionnels mais de plus en plus pour des méthodes alternatives », dit Yan Cimon. Normand Chiasson, propriétaire de Drummondville Volkswagen et de Volkswagen Victoriaville, corrobore : « L’achat tout en ligne s’en vient. C’est à nous d’être à l’écoute, de comprendre, de porter l’expérience client à un niveau supérieur. »

Le mot de la fin appartient à Jacques Béchard, le p.-d. g de la CCAQ : « Les concessionnaires du Québec sont là pour rester… et pour s’adapter à l’impermanence ! »

 

Partagez l'article

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest
Retour en haut